Cannabis – Un traitement historique du tétanos

Un clou rouillé et une femme en PPE tenant un pot et des feuilles de cannabis

Le tétanos est une maladie infectieuse causée par le Clostridium tetani, suite à la contamination d’une plaie ouverte. Même si les cas de tétanos dans le monde diminuent grâce à l’amélioration des plans de santé et de vaccination, cette maladie pose problème dans beaucoup de pays en développement. La plante semble être un traitement historique du tétanos.

Le tétanos est souvent associé aux clous ou lames rouillés, car la surface métallique oxydée irrégulière confère une plus grande surface colonisable pour la bactérie et la lame ou extrémité acérée est à l’origine de la blessure. Le tétanos est particulièrement associé à des climats chauds et humides et à des zones ayant des sols riches en lisier – les spores reproductrices sont diffusées via les excréments du bétail.

Une personne portant des entraîneurs blancs sur le point de marcher sur un clou rouillé

Aujourd’hui, la plupart du monde développé a mis en place des programmes efficaces de vaccination. Les seuls cas déclarés dans ces pays concernent des individus n’ayant pas reçu leurs injections de rappel (qui doivent être administrées tous les dix ans). Il est d’ailleurs avéré que les consommateurs d’héroïne par voie intraveineuse sont une population à risque.

En 2010, 61 000 décès liés au tétanos ont été recensés – moins de 25 % des 272 000 décès recensés en 1990. De plus, selon l’Organisation mondiale de la santé, 30 848 nouveau-nés sont décédés après avoir contracté le tétanos néonatal en 2017. Ce chiffre représente une réduction de 96 % par rapport aux quelques 787 000 nouveau-nés décédés en raison du tétanos un mois après leur naissance en 1988.

La plupart de la réduction des décès dans le monde est liée aux améliorations massives ces dernières années en matière d’éradication du tétanos maternel et néonatal dans les pays en voie de développement. Le tétanos néonatal touche, généralement à l’endroit où le cordon ombilical a été coupé, les nourrissons dépourvus d’immunité « passive » car leurs mères n’étaient pas immunisées. À l’échelle mondial, cela représente environ 8 % des décès néonataux.

Le tétanos maternel est défini comme le tétanos contracté pendant la grossesse, et est souvent lié à des pratiques médicales ou établissements non sécuritaires. Ces dernières années, des millions de femmes en âge de procréer dans des régions à haut risque ont été vaccinées contre le tétanos, avec des résultats spectaculaires.

Quels sont les symptômes du tétanos ?

Le tétanos est mieux connu pour sa capacité à causer une raideur musculaire et des spasmes. Ces symptômes apparaissent généralement dans la mâchoire avant de se répandre dans l’ensemble du corps. Au départ, ces spasmes sont modérés (ils apparaissent généralement entre 3 et 21 jours après l’exposition initiale à la bactérie) mais progressent à tel point qu’ils sont à l’origine de graves problèmes.

Lorsqu’il affecte les muscles du dos, le tétanos peut causer une cambrure ; lorsqu’il affecte le larynx et le diaphragme, il est souvent à l’origine de problèmes respiratoires. Des cas de salivation et de transpiration excessives, d’hypertension, de fièvre, d’augmentation du rythme cardiaque, de difficulté à avaler et de miction et défécation incontrôlées ont également été reportés. La gravité des spasmes peut également causer des déchirures musculaires et des fractures osseuses.

Fatalité du tétanos

S’il n’est pas traité, le tétanos entraîne souvent la mort. Les problèmes respiratoires empirent à tel point qu’ils causent une asphyxie, ou le rythme cardiaque et l’arythmie peuvent s’intensifier au point de causer un arrêt cardiaque. L’insuffisance respiratoire est la principale cause de décès dans les cas de tétanos.

Un arrêt cardiaque peut également être lié au manque d’oxygène ou à la combinaison des effets sur le système nerveux autonome (le système qui contrôle le rythme cardiaque, la respiration et la plupart des fonctions corporelles involontaires) générant l’effondrement total du système circulatoire.

Le tétanos est fatal dans plus de 50 % des cas dans les pays en voie de développement. Le tétanos néonatal est encore plus dévastateur et affiche un taux de mortalité d’environ 70 %. Dans les pays en voie de développement, la mortalité a chuté à environ 10-20 % des cas ; les cas les plus graves nécessitent souvent des mesures de soins intensifs qui ne sont pas toujours disponibles, sauf dans les pays développés.

Comment agit le tétanos ?

L’action de la bactérie du tétanos, C. tetani, dans le corps produit une neurotoxine extrêmement puissante connue sous le nom de tétanospamine. Il est estimé que seuls 240 g de tétanospamine suffiraient pour annihiler l’intégralité de la population mondiale. Cette toxine affecte le muscle squelettique en s’associant aux terminaisons nerveuses périphériques, et progresse vers les jonctions synaptiques jusqu’à atteindre le système nerveux central (SNC).

Une fois à l’intérieur du SNC, la toxine peut bloquer les neurotransmetteurs inhibiteurs clés qui empêchent le déclenchement d’un influx nerveux dans les neurones moteurs (nerfs qui contrôlent les mouvements). Sans ces neurotransmetteurs, les influx continus naturellement produits par les neurotransmetteurs excitateurs ne sont pas contrôlés, et le muscle contrôlé par le nerf moteur surexcité est pris de spasmes.

La bactérie du tétanos

O’Shaughnessy décrit le traitement du tétanos avec le cannabis

Le médecin irlandais William B. O’Shaughnessy (1809-1889), qui a travaillé pour l’administration britannique en Inde, est sans conteste responsable de l’introduction du cannabis dans la médecine contemporaine et conventionnelle occidentale en 1843. Pour ce faire, il a publié un article dans le Provincial Medical Journal (aujourd’hui nommé British Medical Journal).

Dans cet article, O’Shaughnessy a décrit avec succès le traitement des spasmes musculaires causés par le tétanos grâce à de l’extrait de Cannabis indica, et a suscité une rafale d’études connexes les années suivantes.

Dans son étude, un patient atteint de tétanos s’est vu administrer de l’extrait de cannabis dissout dans de l’alcool après avoir été traité, sans succès, avec de fortes doses d’opium. Après environ dix jours, les symptômes du tétanos se sont dissipés, mais le patient est décédé en raison de complications causées par la blessure originale. Toutefois, deux autres patients traités avec de l’extrait de cannabis se sont complètement rétablis.

Autres exemples tirés de l’histoire

O’Shaughnessy indique également que deux médecins travaillant dans des hôpitaux à Calcutta sont parvenus à traiter le tétanos grâce à de l’extrait de cannabis : un certain docteur O’Brian a assuré la guérison de cinq patients sur sept, et un certain docteur Bain a traité trois patients : il en a sauvé deux et en a perdu un. O’Shaughnessy mentionne également qu’un patient de son cousin a été soigné avec succès et s’est entièrement remis.

Sur la base du travail d’O’Shaughnessy et les travaux connexes d’autres auteurs, l’extrait de cannabis est devenu un traitement commun du tétanos en Europe et aux États-Unis, avec des résultats variables. Un article de 1845 écrit par docteur James Ingles à Halifax (Angleterre) a décrit une certaine atténuation de symptômes sévères du tétanos après l’administration de cannabis ; le patient est toutefois décédé.

Un autre article, publié dans le New England Journal of Medicine en 1846 et écrit par docteur Isaac Hieter de Reading (Pennsylvanie) décrit la guérison d’un adolescent de 16 ans présentant des symptômes aigus du tétanos en l’espace de deux semaines.

Un médecin bulgare nommé Basilus Beron était si convaincu de l’efficacité de l’extrait de cannabis contre le tétanos qu’il a écrit dans une influente dissertation en 1852 qu’« après avoir utilisé presque tous les antitétaniques sans résultat, le malade (…) était complètement guéri après l’administration de chanvre indien ».

Le cannabis et le système nerveux autonome

Très peu de recherches contemporaines se sont intéressées à l’utilisation du cannabis comme traitement de la spasticité musculaire et des symptômes du tétanos. Toutefois, plusieurs études sur l’habilité du cannabis à traiter le dysfonctionnement du système nerveux autonome (également connu sous le nom de système nerveux sympathique ou périphérique) ont été publiées.

Il est établi que le cannabis réduit efficacement la spasticité musculaire liée à la sclérose en plaques et à la maladie de Huntington, deux maladies affectant les neurones moteurs. L’un des neurotransmetteurs inhibiteurs clés bloqués par la neurotoxine tétanospasmine est l’acide γ-aminobutyrique (GABA), qui joue également un rôle dans la sclérose en plaque et la maladie de Huntington.

Diminution du GABA et spasmes musculaires

Des essais cliniques ont prouvé que la spasticité musculaire liée à la sclérose en plaques a été significativement réduite grâce à un traitement par la gabapentine, un médicament qui élève les niveaux de GABA dans le système nerveux central. En ce qui concerne la maladie de Huntington, une maladie dégénérative du cerveau à l’origine d’une perte du contrôle moteur, les niveaux de GABA ont été significativement altérés ou réduits. Puisque les spasmes liés aux tétanos sont causés par l’inhibition du GABA, il semblerait que les processus connexes fonctionnent.

Plusieurs études ont suggéré que le THCV, un antagoniste du récepteur CB1, augmente les niveaux de GABA, tout comme le CBD, et que l’antagoniste non-spécifique du CBD augmente les niveaux de GABA. Toutefois, il semblerait que cet effet soit inversé dans certaines circonstances.

Une personne utilisant des pincettes pour choisir un bourgeon à partir d'un pot étiqueté «cannabis médical»

Le cannabis et les bactéries gram positif

Le cannabis est réputé détruire avec succès différents types de bactéries gram positif, y compris Bacillus subtilis et Staphylococcus aureus (la bactérie à l’origine du SARM). Le tétanos est également une bactérie gram positif, bien que l’action des cannabinoïdes sur C.tetani n’ait pas fait l’objet de recherches.

Il est notoire que le THC et le CBD sont des agents bactéricides gram positif efficaces, et une étude récent a démontré que les cannabinoïdes CBN, CBG, et CBC ont également des vertus antibactériennes puissantes contre le SARM.

Une seringue entrant dans un flacon étiqueté 'vaccin Tetanus'

Le cannabis a-t-il une place dans le traitement contemporain du tétanos ?

À mesure que le monde parvient à éradiquer le tétanos et que l’accès aux vaccins se démocratise, l’importance du cannabis dans le traitement de la maladie est clairement moins importante que par le passé, une époque marquée par l’absence de vaccins ou de médicaments efficaces. 

Toutefois, cette maladie est toujours présente à l’échelle mondiale, et dans la mesure où la plupart des pays toujours concernés par le tétanos sont également de gros producteurs de cannabis, il pourrait être avantageux pour eux de faire de plus amples recherches sur l’utilisation du cannabis en tant qu’éventuelle méthode à bas coût pour traiter les symptômes de la maladie.

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    Dr Sanjai Sinha est membre du corps enseignant du Centre médical Weill Cornell de New York où il reçoit des patients, enseigne aux médecins résidents et aux étudiants en médecine et fait de la recherche en services de santé. Il prend soin d’éduquer ses patients et pratique la médecine fondée sur les preuves. Son grand intérêt pour l’examen médical est nourri de ces passions.
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