Sur le terrain intérieur de foot, Jahki Revi, président du club cannabique La Kalada, encourage son équipe qui accuse un retard de deux buts à quelques minutes de la fin de la partie. La défaite est imminente, mais Revi est enthousiaste, heureux que son équipe fasse partie de la Ligue de foot Mary Jane de Barcelone.
La Ligue de foot Mary Jane est une collaboration entre GolAGol.com, un organisme qui fait la promotion d’activités sportives au sein de la culture cannabique, et Dany Ramos, un activiste cannabique de Barcelone. Elle est la toute première ligue de foot intraclubs de ce genre à voir le jour à Barcelone qui a récemment été nommée capitale cannabique de l’Europe.
L’événement a rassemblé une vingtaine de clubs et d’associations cannabiques de Barcelone qui ont participé pendant deux jours à des séries éliminatoires à 5 ou 7 par côté pour montrer un autre aspect de la culture cannabique et pour défaire le préjugé qui veut que les stoners ne font que fumer de gros blunts à longueur de journée, jouer à des jeux vidéos et regarder en boucle Breaking Bad.
« La Coupe du monde nous a laissé avec la fièvre du foot, a déclaré un des membres du club cannabique Freya, Daniel Ribas. C’est l’occasion de revivre la frénésie, mais aussi de tisser des liens dans un environnement différent. Habituellement, nous n’aurions pas la chance de parler avec ces gens, ce qui est absurde puisque nous avons tellement de points en commun ».
Les clubs participants incluaient HQ BCN, Greenardo, A.G.O.R.A., Undergrow Team, Freya, Pandora, The Plug, Chamaneria, La Pausa Verde, Sweet Hope, Green Brothers et Asoma BCN, et l’événement a bénéficié du soutien de collaborateurs tels Undergrow TV, Technical Crops, Low Cost Seeds, Sumo Seeds et Dutch Green.
« Nous sommes à l’avant-garde d’un important changement dans la manière dont la société perçoit le cannabis, a dit Romain Jouenne, un des fondateurs de GolAGol.com. Nous voulions organiser cet événement depuis longtemps, et nous sommes reconnaissants envers Dany. Grâce à lui, nous avons obtenu un contact avec des clubs et associations cannabiques de Barcelone, et le résultat a été excellent. Les clubs se sont vraiment donnés pour nous ».
Que le tournoi commence
Les parties ont commencé samedi tôt en matinée dans un stade de foot intérieur situé dans un parc industriel d’un secteur de Barcelone appelé L’Hostipalet de Llobregat. Les équipes – certaines vêtues de chandails portant le logo de leur club – occupaient les cinq terrains pendant toute la matinée, les joueurs se relayant inlassablement alors que d’autres, en sueur et le visage rouge, sortaient du complexe intérieur mal ventilé pour respirer et se désaltérer. La tension était palpable.
A l’extérieur du stade, le mercure indiquait 38 degrés à l’ombre, ce qui rendait tout effort physique impossible. Ce n’est pas surprenant que certains clubs ne se soient pas présentés. En après-midi, il était devenu évident que l’absence de quelques équipes allait compromettre l’horaire – les joueurs n’avaient aucune idée des équipes qu’ils devaient affronter. Lorsque l’équipe des Green Brothers est sortie du stade, elle a déclaré qu’elle avait eu beaucoup de plaisir, mais qu’elle ignorait contre qui elle avait perdu.
Les équipes qualifiées étaient censées jouer quatre fois au cours de la journée. Les gagnants restaient dans les alentours jusqu’à ce qu’un terrain se libérait, et en attendant dans le lobby de béton, ils pouvaient s’acheter de la nourriture rôtie au BBQ, boire de la bière pas chère et fumer. Des bouteilles d’eau étaient aussi vendues au bar pour 2 €. Il y avait deux ventilateurs dans le hall ; un à côté du kiosque du DJ, l’autre à côté de celui des sponsors.
A 19h, les équipes gagnantes avaient encore deux parties à jouer pour obtenir un pool adéquat pour le lendemain. Les joueurs étaient exténués. Deux membres du club Freya remettaient leurs chaussures pour la troisième fois en une même journée, et la fatigue se lisait sur leur visage alors qu’ils attachaient leurs lacets.
« Si on gagne cette partie, il faut jouer une autre fois aujourd’hui, a dit Ribas avec un sourire de fatigue suggérant qu’il aurait préféré être à la maison en train de regarder en rafale des épisodes de n’importe quelle série. Mais peu importe, la journée a été fantastique. La victoire n’est pas importante. Qu’on ne se méprenne pas, on est compétitifs, mais le but est de créer une communauté, de montrer qui on est ».
L’équipe Freya a ensuite joué deux autres parties qu’elle a gagnées.
Battre le pavillon vert
Les prix de la Ligue de foot Mary Jane incluaient un trophée pour l’équipe gagnante, ainsi que des paniers de produits de chanvre et de CBD. Il y a aussi eu un tirage pour gagner un panier rempli de produits fins. De beaux prix, mais pas particulièrement convaincants. Pourtant ce n’était pas les prix qui ont tant enthousiasmé les participants que les liens d’amitié qu’ils ont tissés entre eux.
Lorsque les parties se sont finalement terminées après minuit, tout le monde est sorti pour prendre un verre bien mérité… ce qui a fait en sorte que dimanche matin, encore des joueurs ont manqué à l’appel. Ceux qui se sont pointés étaient un peu ravagés, mais la bonne humeur était au rendez-vous.
Freya a joué une dure partie en fin de matinée qu’elle a remportée dans les quinze dernières minutes quatre à trois. Personne ne connaissait le nom de l’équipe perdante. L’équipe de Freya était surprise, mais fière de s’être rendue aussi loin, et attendait avec impatience l’arrivée des membres des sous-équipes. Déjà dimanche en après-midi, l’absence d’autant de joueurs était devenue problématique. Les membres de différents clubs se sont organisés ensemble pour qu’il y ait suffisamment de joueurs ; les joueurs de Chamaneria ont remplacé les joueurs manquants de l’équipe HQ BCN, et ainsi de suite.
Mais de bonnes intentions n’étaient pas suffisantes pour sauver la Ligue qui est parvenue, tant bien que mal, à terminer le tournoi, de manière peu concluante, en partie à cause de la chaleur et du manque d’organisation. Aucun gagnant n’a été déclaré à l’issue du premier tournoi de la Ligue de foot Mary Jane, et on ne sait pas si l’événement se répétera l’an prochain.
Cependant, l’événement a montré que la communauté cannabique de Barcelone avait soif de cohésion, qu’elle désirait résolument collaborer pour créer un réseau plus solide et qu’elle voulait trouver une plateforme qui allait l’unir d’une manière inédite. Malgré tous les obstacles, l’événement a bien montré pourquoi Barcelone avait reçu le titre de capital cannabique de l’Europe.
« L’information et l’intérêt des gens au sujet des propriétés médicales et thérapeutiques du cannabis ne font qu’augmenter, mais il y a encore de la désinformation qui circule, a affirmé Maka, présentateur de la populaire chaîne Youtube Undergrow TV. Les gens qui participent à des événements comme celui-ci sont des experts. Ils connaissent les propriétés de la plante et possèdent une grande expérience. C’est pourquoi il est important de tisser des liens au sein de cette communauté qui a fait figure de pionnière de la culture cannabique. »