Effets cognitifs à court et long terme du cannabis

Illustration of grey left brain hemisphere and colorful right hemisphere with cannabis leafs, and a man in front with crossed hands thinking

Les effets cognitifs du cannabis peuvent être divisés en trois catégories : les effets aigus ressentis immédiatement après consommation, les effets résiduels voire permanents potentiellement ressentis en cas de consommation chronique et enfin les effets pouvant apparaître en cas d’abstinence. Découvrez ici ces différents effets en détail.

Les effets cognitifs aigus du cannabis

Les effets cognitifs aigus du cannabis sont nombreux et varient chez les individus en fonction de facteurs tels que le génome, l’âge, le sexe, la tolérance et la prédisposition personnelles.

Le phytocannabinoïde THC se révèle être le cannabinoïde psychoactif le plus dominant, car c’est celui qui est essentiellement responsable des effets cognitifs du cannabis. D’autres cannabinoïdes non psychoactifs (dont le CBD) contribuent cependant aux effets cognitifs du cannabis par « effet d’entourage » ; par exemple, en fonction du ratio et de la dose, il semblerait que le CBD agisse en synergie avec le THC pour réguler ses effets cognitifs.

Les effets cognitifs aigus les plus connus du cannabis touchent généralement les capacités de mémorisation, d’apprentissage et de résolution de problèmes. En pratique, cela peut signifier que, lorsqu’il est sous l’influence du cannabis, les capacités d’un individu à planifier, prendre des décisions, maintenir son attention, résoudre des problèmes, retenir des informations et faire face à des situations inattendues peuvent être compromises. Cet article vous propose de découvrir l’action, pour le meilleur ou pour le pire, du cannabis sur les fonctions cognitives.

Illustration animée d'un cerveau en bleu avec des éclairages en arrière-plan

Recherches sur les effets cognitifs aigus du cannabis

Une importante étude des sources existantes publiée en 2012 montre que les chercheurs avaient étudié dès les années 1970 les effets cognitifs aigus du cannabis (c’est-à-dire les effets apparaissant entre 0 et 6 heures après consommation), et qu’ils avaient constaté de manière fiable des altérations des fonctions d’apprentissage et de mémorisation. En revanche, les résultats de la recherche concernant les effets du cannabis sur les fonctions exécutives sont moins concluants.

L’effet du cannabis sur l’attention est sujet à controverse et semble grandement dépendre de la tolérance individuelle. Une étude de 2001 a montré que ni les fortes doses ni les faibles doses de THC n’altéraient la capacité à effectuer des tâches sollicitant l’attention par rapport au placebo chez les consommateurs chroniques de cannabis, et que de fortes doses de THC amélioraient en fait considérablement les résultats obtenus pour les tests de suivi visuel. À l’inverse, une étude de 2009 a révélé que le THC pouvait entraîner des déficits passagers aigus au niveau de la mémoire de travail et des fonctions exécutives.

L’effet aigu du cannabis sur la prise de décision et de risque est également quelque peu controversé et semble dépendre de la dose consommée. Une étude de 2005 comparant les effets de doses de THC fortes ou faibles par rapport à un placebo sur la prise de risque et de décision a permis aux chercheurs de découvrir que les sujets exposés à de fortes doses prenaient significativement plus de risques que les sujets des groupes placebo et « faibles doses ».

A contrario, une étude de 2006 a conclu que l’effet du THC sur la prise de risque était négligeable, bien qu’il perturbait les fonctions exécutives et le contrôle moteur. Le THC augmentait aussi le taux de réponses incorrectes dans les tests passés par les sujets.

L’effet aigu du cannabis sur la fonction mémorielle est lui aussi quelque peu controversé. Différentes études scientifiques ont confirmé la détérioration des capacités mémorielles à court terme après ingestion de THC. En revanche, des tests scientifiques révèlent que le cannabis affecte la mémoire épisodique alors que l’on constate au niveau anecdotique qu’il l’améliore.

Déjà en 1977, les chercheurs étudiaient l’effet du cannabis sur la mémoire. Dans le cadre de cette étude, les auteurs ont conclu que la capacité globale à se rappeler des informations était réduite chez les sujets exposés au cannabis, et que leur mémoire visuelle était inférieure à leur mémoire verbale. Plus récemment, la susdite étude de 2001 a démontré que la mémoire était affectée chez les sujets exposés au THC en fonction de la dose ingérée.

Jeu de mémoire avec des fruits peints sur les cartes sur la surface grise

Une étude a suggéré que le CBD pouvait en fait compenser l’effet du THC sur la fonction mémorielle, les chercheurs ayant découvert que le THC et le CBD agissaient de manière opposée sur les zones du cerveau responsables de la remémorisation verbale. Cette découverte pourrait expliquer la raison pour laquelle le CBD est couramment utilisé comme « antidote » aux effets psychoactifs du THC.

En outre, une preuve anecdotique, qui s’oppose diamétralement aux études scientifiques, suggère que le THC améliore la mémoire épisodique. L’anecdote la plus populaire sur le sujet provient de l’article de Carl Sagan, « Mr X », dans lequel il décrit dans une abondance de détails son expérience de mémoire épisodique sous l’influence du cannabis. Les scientifiques estiment pour leur part que le cannabis entraîne une perte de la mémoire épisodique.

La recherche se penche depuis de nombreuses années sur les effets à court terme du cannabis sur les êtres humains, et bien que certaines choses soient généralement acceptées comme des vérités, on a pu constater d’importantes disparités entre les différentes études.

Un examen systématique d’articles académiques comprenant 165 études menées jusqu’en 2007 confirme ces disparités. Lineke Zuurman, la chercheuse impliquée dans le travail, explique que les marqueurs biologiques d’intoxication au cannabis les plus fiables sont le rythme cardiaque et les « effets subjectifs ». Cette position montre à quel point l’étude de l’intoxication au cannabis est un vaste sujet et qu’à l’heure actuelle les expériences subjectives ont tout autant de valeur que les données scientifiques et statistiques.

Effets cognitifs résiduels et permanents de la consommation chronique de cannabis

Au-delà de l’intoxication, le cannabis peut entraîner des effets cognitifs résiduels et permanents. Il n’est donc pas étonnant que les consommateurs de cannabis à long terme puissent présenter un risque quelque peu élevé de détériorations cognitives persistant après la cessation de l’intoxication.

Ces détériorations peuvent être soit résiduelles – elles apparaissent alors peu de temps après la cessation de l’intoxication et sont liées aux traces de composés actifs encore présents dans l’organisme -, soit permanentes – elles persistent au-delà de la disparition des traces de la substance dans l’organisme. Les recherches ont jusqu’à présent révélé des résultats incohérents, voire contradictoires.

Une étude américaine de 2002 a révélé que les consommateurs à long terme de cannabis manifestaient une importante détérioration des fonctions mémorielles et d’apprentissage par rapport aux consommateurs à court terme et aux personnes qui ne consommaient pas de cannabis. À l’inverse, une étude plus récente (publiée en 2011) a mis en évidence que même si les résultats de base montraient des différences significatives entre les groupes « consommateurs » et « non-consommateurs », ces différences disparaissaient si les résultats étaient ajustés en fonction du sexe et du niveau d’éducation.

Après ajustement, il a été démontré que les anciens gros consommateurs de cannabis obtenaient de meilleurs résultats pour quatre tests cognitifs (et en particulier pour un test lié à l’apprentissage verbal) que les gros consommateurs actuels, indiquant un certain degré de dégradation cognitive chez les gros consommateurs à long terme (mais également que ces dégradations s’améliorent chez les anciens consommateurs).

L’importance de la consommation de cannabis joue clairement un rôle dans l’apparition éventuelle d’une dégradation cognitive à long terme. Une étude menée en 2006 a conclu que même si des effets cognitifs peuvent apparaître chez les gros consommateurs à long terme, les consommateurs modérés ne présentent aucune perte de mémoire ou de capacité d’apprentissage, même si l’activité de leur cortex pariétal supérieur gauche est effectivement altérée lorsqu’ils font appel à la mémoire de travail.

Les résultats préliminaires d’une étude conduite par Staci Gruber, docteure diplômée d’Harvard, montrent même que le cannabis améliore sur le long terme certains aspects des fonctions cognitives. Il s’agit de l’une des premières études de ce type, qui teste les sujets avant consommation de marijuana médicale puis après 3 mois de traitement.

Les chercheurs ont constaté des améliorations des résultats recueillis dans le cadre du test de l’effet Stroop et du test de trail-making servant à mesurer la fonction exécutive. Les améliorations se sont surtout traduites par une accélération du temps de réaction face à des tâches particulières sans faire davantage d’erreurs. Cette étude se trouvant néanmoins toujours au stade préliminaire, elle ne permet pas de tirer de conclusions claires sur le sujet.

Effets de l’abstinence sur la cognition des consommateurs chroniques

Comme précédemment expliqué, l’étude de 2001 a montré que les consommateurs de cannabis chroniques abstinents étaient moins performants lors de tâches sollicitant leur attention qu’après avoir ingéré du THC. Ce phénomène a été observé à plusieurs reprises : une étude de 2004 a comparé de gros consommateurs réguliers de cannabis avec un groupe de contrôle de sujets non-consommateurs, et découvert que la vitesse de traitement des informations des consommateurs abstinents était significativement réduite, mais qu’elle revenait à la normale après avoir de nouveau fumé du cannabis.

Illustration du cerveau avec avec ses zones de couleur colorées dans la différence

Une étude a constaté une diminution de l’activité dans le lobe préfrontal des consommateurs de cannabis abstinents (© Laura B. Dahl).

Les auteurs de cette étude ont observé que cela peut signifier que les anciens consommateurs de cannabis courent le risque de recommencer à en consommer pour retrouver des facultés optimales de traitement des informations ou améliorer leurs performances cognitives. Plusieurs autres études ont indiqué que les consommateurs réguliers abstinents continuent de subir des dégradations cognitives pendant un certain temps après avoir cessé de consommer du cannabis. Il semble cependant que les consommateurs chroniques abstinents retrouvent des fonctions cognitives optimales avec le temps.

Effets cognitifs chez les anciens consommateurs

Un examen systématique des articles précédemment publiés a conclu en 2002 qu’il n’existait aucune preuve cohérente de la persistance des déficits neuropsychologiques chez les consommateurs de cannabis. La moitié au moins des études passées en revue rapportaient des détériorations légères, mais en règle générale, l’examen a démontré qu’aucune conclusion ferme n’avait pu être tirée.

Une étude de la littérature scientifique effectuée en 2003 constate que « les résultats indiquent qu’il pourrait y avoir une diminution de la capacité d’apprentissage et de mémorisation des informations nouvelles chez les consommateurs chroniques pendant que d’autres fonctions cognitives ne se trouvent elles pas affectées. Cependant, du point de vue neurocognitif, la faible importance de ces effets suggère que si l’on attribue des propriétés thérapeutiques aux composés du cannabis, la marge de sécurité pourrait être acceptable avec les conditions d’exposition plus limitées obtenues dans un cadre médical. »

Une étude plus récente a révélé des déficits persistants de la capacité à prendre des décisions chez des gros consommateurs de cannabis abstinents pendant 25 jours, par rapport aux non-consommateurs du groupe de contrôle, ainsi qu’une altération de l’activité cérébrale. Une augmentation de l’activité dans le cervelet gauche et une diminution de l’activité dans le cortex orbifrontal latéral droit et le cortex dorsolatéral préfrontal droit ont été constatés chez les consommateurs abstinents (modérés et lourds).

Il a été également démontré que cet effet dépendait de la dose consommée car il était plus prononcé dans le groupe « gros consommateurs » que dans le groupe « consommateurs modérés » où les résultats étaient encore subdivisés. En outre, le groupe « modéré » ne différant que très légèrement du groupe de contrôle, les auteurs ont été amenés à émettre l’hypothèse selon laquelle les déficits persistants de la capacité à prendre des décisions chez les très lourds consommateurs dépendraient de l’effet d’une dose minimale. Il apparaît donc que de nouvelles recherches soient nécessaires pour déterminer plus précisément la nature de ces effets.

Cannabis, cognition et troubles mentaux

Les effets potentiels de la consommation de cannabis sur les personnes susceptibles de souffrir de troubles mentaux comme la schizophrénie, ou en souffrant déjà, constituent un vaste domaine de recherche, qu’il est impossible de résumer sans laisser de côté un grand nombre de détails. Un point souvent ignoré par les médias traditionnels qui fournissent au grand public des informations incomplètes (et souvent tout à fait inexactes).

Ces dernières années, on a fait grand cas du lien apparent entre la consommation de cannabis et la manifestation de psychoses (un état mental anormal déclenché par différentes causes comme la schizophrénie, un trouble bipolaire ou diverses autres maladies psychiatriques, ou pouvant tout simplement disparaître sans causer de problèmes à long terme).

Le lien existant entre le cannabis et les troubles psychiatriques tels que la schizophrénie a été révélé par la science qui par ailleurs n’a pas cessé de corroborer le fait que les personnes souffrant de schizophrénie sont plus susceptibles de consommer du cannabis que le reste de la population. Ceci étant dit, il se peut que la consommation de cannabis tempère les symptômes plutôt qu’il ne les exacerbe.

Femme floue hurlant pendant que la femme de l'autre côté le regarde inquiet

En 2010, une méta-analyseles schizophrènes qui consommaient du cannabis présentaient en fait un fonctionnement neuropsychologique supérieur comparés à ceux qui n’en consommaient pas. Ils ne montraient que des troubles sélectifs alors que les non-consommateurs montraient toutes sortes de troubles.

Les consommateurs de cannabis obtenaient de meilleurs résultats au niveau de la mémoire de travail, de la mémoire visuelle et des fonctions exécutives. En outre, les troubles neuropsychologiques étaient moins importants chez ceux qui avaient commencé à consommer du cannabis plus tôt dans leur vie que chez ceux qui avaient commencé plus tard. Ces résultats suggèrent fortement que, plutôt que de déclencher la maladie, la consommation de cannabis chez les sujets schizophréniques prodromiques (les individus aux tout premiers stades de la maladie) pourrait même avoir un effet neuroprotecteur.

Cannabis et cognition chez les adolescents

Bien qu’il semble que la consommation de cannabis tôt dans la vie ne soit pas responsable de l’éventuelle apparition de la psychose ou de la schizophrénie, la peur que les adolescents qui consomment du cannabis s’exposent à divers effets cognitifs ou psychologiques est toujours communément ressentie. Une étude de la documentation disponible datant de 2014 a en effet constaté que « les éléments suggérant que la consommation régulière de cannabis pendant l’adolescence ou au début de l’âge adulte (généralement entre 15 et 25 ans) est liée à l’apparition de déficits cognitifs s’accumulent. »

La grande majorité des études passées en revue ont rapporté des déficits cognitifs liés au cannabis, notamment une réduction de la rapidité de traitement des informations, de la mémoire verbale, des fonctions d’exécution et de l’attention complexe, allant de pair avec une propension à la prise de risque.

Les études menées sur les effets de l’abstinence sur les consommateurs adolescents ont constaté que les dégradations en matière de vitesse de traitement des données, de mémoire verbale, d’attention soutenue et de capacité séquentielle persistaient après un mois d’abstinence, mais s’amélioraient nettement après quatre mois. Il faut néanmoins ajouter que la méthodologie employée pour trouver et catégoriser les études analysées dans cette revue n’a pas été mentionnée.

Femme avec des cheveux de couleur rose, atteignant sa main avec des bagues et des tatouages, tenant une articulation

Il est également important de noter que de nombreuses études sur les effets cognitifs du cannabis sont méthodologiquement peu solides, et que l’existence de résultats apparemment contradictoires peut être due, dans certains cas, à un manque de différentiation en fonction de l’âge, du sexe ou d’autres facteurs pouvant porter à confusion.

À l’avenir, l’influence croissante de la recherche aidant, il sera de plus en plus facile d’identifier les failles de conception des études et d’évaluer ainsi avec une bien plus grande précision les effets potentiels du cannabis sur la réponse cognitive des individus, et comment les différences entre ces derniers peuvent influencer la sévérité et la durée des dégradations cognitives.

Par ailleurs, bien que la plupart des études se concentrent actuellement uniquement sur le THC, nous allons, à mesure que notre compréhension des effets synergiques de la combinaison de phytocannabinoïdes en diverses proportions s’améliore, probablement identifier toute une myriade d’effets cognitifs, comme par exemple la compensation par le CBD des effets négatifs du THC sur la mémoire, déjà étudiés par les scientifiques. Encore plus de systèmes complexes restent à explorer, qui nous l’espérons nous aideront à mieux comprendre les effets du cannabis sur les fonctions cognitives.

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    Sanjai Sinha

    Dr Sanjai Sinha est membre du corps enseignant du Centre médical Weill Cornell de New York où il reçoit des patients, enseigne aux médecins résidents et aux étudiants en médecine et fait de la recherche en services de santé. Il prend soin d’éduquer ses patients et pratique la médecine fondée sur les preuves. Son grand intérêt pour l’examen médical est nourri de ces passions.
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