Le THC peut-il aider à éviter le rejet d’une greffe ?

Quatre médecins effectuant une chirurgie et une plante de cannabis

Chaque année, des dizaines de milliers de greffes d’organes contribuent à sauver des vies. Toutefois, toutes n’ont pas une fin heureuse. Des complications, particulièrement des rejets de greffes, peuvent conduire à un échec sur le long terme. Les recherches montrent comment le THC peut aider à éviter que le système immunitaire ne rejette une greffe.

Les greffes d’organes ont sauvé, et continuent à sauver, des milliers de vies tous les jours dans le monde. Toutefois, assurer que tout se passe bien n’ait pas aussi simple qu’il y paraît. Le principal problème auquel nous devons faire face est que nos corps sont programmés pour utiliser notre système immunitaire et nous protéger contre les attaques extérieures. Cela comprend la greffe d’organes.

Le système immunitaire peut déclencher une réaction ou un rejet de greffe, ce qui peut entraîner des conséquences fatales. Toutefois, en 2015, une étude de Nagarkatti et de ses collègues suggère que le tétrahydrocannabinol (THC) peut aider à retarder le rejet de la greffe d’organes ou de tissus chez les rongeurs. Le THC est l’un des cannabinoïdes les plus connus et les plus étudiés, responsable de bon nombre – voire de la plupart – des effets psychoactifs et physiques du cannabis.

La légalisation du cannabis médical et récréatif est un problème important dans de nombreux pays du monde. Certains l’ont déjà légalisé, tandis que d’autres sont en train de le faire ou commencent les débats à ce sujet.

Tous les jours, de plus en plus d’études montrent et vantent les innombrables bienfaits médicaux et thérapeutiques de la plante de cannabis et des cannabinoïdes qu’elle contient.

Ces études aident à dissiper les doutes de ceux qui continuent à s’opposer à légalisation du cannabis. Elles mettent en outre en exergue le besoin d’avancer constamment dans la recherche scientifique, de sorte à ce que ces études soient menées dans un cadre clinique, mais avec des sujets humains.

Certaines des études les plus récentes concernent la chirurgie. Dans cet article, nous nous concentrerons particulièrement sur l’une des études les plus intéressantes publiées en 2015, qui ajoute un autre bienfait à une liste déjà longue pour le cannabis, et plus particulièrement pour le THC cannabinoïde.

La valeur thérapeutique du THC

En 2015, un groupe de chercheurs de la Faculté de médecine de l’université de Caroline du sud a publié une étude pour tester les effets du THC sur les greffes de peau. D’après cette étude, le tétrahydrocannabinol (THC), l’un des principaux composants de la plante de cannabis, peut aider à retarder le rejet de la greffe d’organes chez des patients incompatibles en activant les récepteurs cannabinoïdes CB1 dans les cellules immunitaires.

 « De plus en plus de recherches identifient les effets positifs potentiels des substances contenues dans la marijuana, tandis que l’un des plus grands défis a été d’identifier les voies moléculaires impliquées », déclare John Wherry, éditeur en chef du magazine Journal of Leukocyte Biology, dans un communiqué.

La maquillage chimique de THC dessinée à la craie sur un tableau noir

La capacité du THC à réguler le système immunitaire a d’abord été identifié dans les années 70. Après de nombreux tests sur des rongeurs, la recherche de Nagarkatti et de ses collègues suggère désormais que le THC peut améliorer le résultat de greffes d’organes en bloquant la réponse immunitaire qui conduirait au rejet.

Dès lors, il serait donc possible de sauver encore plus de vies grâce aux greffes. Cela fournit clairement encore plus de preuves du potentiel thérapeutique évident du cannabis. Cela est particulièrement vrai pour le THC qui, conjointement avec le CBD, est le cannabinoïde naturel le plus étudié.

Greffe d’organes : qu’est-ce que cela implique ?

De nos jours, la greffe d’organes est l’un des exemples les plus significatifs de progrès scientifique en médecine. Lorsque les organes ou les tissus cessent de fonctionner à cause de la maladie, le remplacement de l’organe ou du tissu malade peut s’avérer nécessaire. Pour cela, et pour prolonger les vies, il doit y avoir un donateur et le système immunitaire du destinataire ne doit pas enclencher un rejet.

Les reins, les foies, les cœurs et la moelle osseuse sont parmi les greffes d’organes et de tissus les plus fréquentes. Tandis que certains organes (comme le cœur) ne peuvent être donnés que suite au décès du donateur, d’autres (comme les reins, le foie et la moelle osseuse) peuvent être donnés par des donateurs en vie.

Quelqu'un qui passe un coeur rouge à une autre personne. En arrière-plan se trouvent trois chirurgiens

À l’échelle mondiale, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Tous les jours, des centaines de milliers de personnes continuent à attendre un organe ; des milliers meurent en attendant l’arrivée d’un organe dont ils ont besoin pour survivre. Une seule personne peut sauver jusqu’à huit vies, puisqu’une personne peut donner huit organes. Environ 10 % des receveurs potentiels meurent en attente de recevoir un organe.

Rejet d’organe : pourquoi a-t-il lieu ?

Nous avons tous un système immunitaire individualisé, affecté par nos gènes et par notre environnement. Ce système reconnaît les corps étrangers et les agents infectieux, aidant à nous protéger contre la maladie. Les agents en dehors du corps peuvent être infectieux (comme les bactéries ou les virus), mais il en est de même pour les cellules provenant d’une autre personne dont le système immunitaire et la réponse individualisée sont très différents des nôtres.

Les cellules nucléées ont des marqueurs sur leur surface, reconnus comme étrangers une fois inoculés ou greffés sur une autre personne. Ces marqueurs sont désignés antigènes d’histocompatibilité (Ag) ou antigènes de transplantation et fournissent les tissus de chaque individu avec des caractéristiques uniques qui les distinguent des autres.

Notre « immunité innée » fait un excellent travail pour nous protéger et est caractérisée par :

  • une réponse rapide dans sa première ligne de défense (comme la peau, notre plus grand organe) contre les agents infectieux
  • sa capacité à stimuler des cellules immunitaires non spécifiques qui fonctionnent pour détruire des substances potentiellement nocives qui sont entrées dans le corps

Lorsque l’intrusion est si grave que le système immunitaire inné ne peut plus combler, notre « immunité adaptative » entre en jeu. L’immunité adaptative se caractérise par une réponse plus spécifique, plus lente et sur un plus long terme, fournie par des cellules spécialisées (comme les cellules T et B) contre les agents en dehors du corps. C’est le genre d’immunité qui entre en jeu lors du rejet de greffe.

Bien que les greffes d’organes et de tissus aident de nos jours à prolonger la vie des gens plus que jamais, des risques sont tout de même impliqués. Il existe plusieurs types de rejet. L’un des principaux problèmes est lorsque le système immunitaire du receveur (notamment les cellules T) reconnaît le nouvel organe ou tissu comme « étranger » et commence à l’attaquer et à le détruire.

C’est pourquoi il est essentiel que le système immunitaire du receveur soit le plus similaire possible à celui du donateur. Cela peut être extrêmement difficile à trouver compte tenu de la singularité de chaque système immunitaire et de la vitesse à laquelle une faille d’organe peut entraîner le décès.

Et c’est ici que le THC entre en jeu.

Le système immunitaire : le rejet peut-il être évité ?

Pour éviter le rejet, il faut examiner le tissu avant la greffe, afin d’identifier si les antigènes qu’il contient sont ou non compatibles avec le receveur. Bien que l’analyse des tissus assure que l’organe ou le tissu greffé est le plus proche possible de celui du receveur, il n’y a rien de tel qu’une compatibilité à 100 %.

Personne n’a des antigènes identiques à ceux d’une autre personne, excepté les jumeaux. C’est pourquoi il est nécessaire d’utiliser des immunosuppresseurs (qui affaiblissent notre système immunitaire), de sorte à ce que le corps ne déclenche pas toujours une réponse immunitaire, conduisant ainsi à la destruction du tissu étranger.

Environ 25 % des receveurs de reins et 40 % des receveurs de cœurs  constatent un épisode de rejet aigu la première année suivant leur greffe. Heureusement, les épisodes de rejet ne signifient pas nécessairement la perte de l’organe.

Toutefois, bien que plus de 90 % des rejets aigus peuvent être traités avec succès avec un traitement immunosuppresseur moderne, il est important de noter que les immunosuppresseurs actuellement disponibles pour éviter le rejet de greffe peuvent avoir de graves effets indésirables. Ces effets indésirables comprennent :

  • Diarrhée
  • Hypertension
  • Acné
  • Prise de poids
  • Cholestérol élevé
  • Niveaux élevés de glycémie
  • Sensibilité aux infections
  • Problèmes dentaires

En tenant compte de tous ces facteurs, outre le fait que la demande d’organes est plus importante que les organes disponibles et que la majorité des patients n’ont souvent qu’une chance avec un donateur d’organe ou de tissu, le rejet de greffe peut avoir des conséquences désastreuses et entraîner le décès.

Rejet de greffe d’organe : le THC peut-il aider à l’éviter ?

Pour mener l’étude en question, Nagarkatti a utilisé des souris soumises à une greffe de peau. Pour cela, il a greffé la peau d’un groupe de souris sur un autre groupe de souris génétiquement différent. La peau incompatible a été traitée au placebo ou au THC, le composant actif du cannabis.

Un diagramme de différentes équations chimiques

En injectant la rate et les cellules cutanées du donateur chez les souris receveuses (utilisant ainsi des rongeurs comme modèles pour l’homme soumis à la greffe d’organes), les chercheurs ont constaté que les souris receveuses traitées au THC avaient moins de probabilités de rejeter le nouveau tissu par rapport à celles traitées au placebo. L’étude a montré qu’en activant les récepteurs CB1, le THC a contribué à éviter le rejet via plusieurs mécanismes :

  • en évitant une hausse du nombre de récepteurs de cellules T dans les ganglions lymphatiques des receveurs, en réduisant la probabilité d’un rejet du tissu du donateur
  • en réduisant les signaux de réponse inflammatoire
  • en stimulant les cellules destructrices de myéloïde, qui interviennent pour diminuer la réponse du récepteur de lymphocytes T et éviter le rejet
  • en augmentant la durée de survie de cellules cutanées des donateurs

Il convient de rappeler une étude précédente publiée en 2013 dans le magazine en ligne Journal of Pharmacology Neuroimmune. Cette étude a anticipé la manière dont le THC pourrait arrêter la réaction immunitaire qui conduit au rejet d’organes greffés, dans ce cas, via les récepteurs CB2.

Bien que cette étude ait uniquement utilisé des modèles de culture cellulaire, les chercheurs ont observé un effet dépendant de la dose : des doses plus élevées de THC ont conduit à des niveaux plus élevés d’immunosuppression. De plus, deux cannabinoïdes synthétiques ont également été inclus et il a été constaté qu’ils pourraient également fonctionner.

Au regard de ces résultats, les chercheurs ont conclu que les cannabinoïdes sont prometteurs quant à l’amélioration du taux de succès des greffes d’organes.

Résultats des études : le THC comme traitement contre le rejet de greffes

Cette étude de l’université de Caroline du sud se joint au nombre croissant de preuves qui montrent que les cannabinoïdes sont utiles dans la modulation et la réduction des procédés inflammatoires impliqués non seulement dans le rejet de greffes, mais aussi dans les troubles auto-immunes, le cancer et de nombreuses autres maladies affaiblissantes graves.

« Au total, notre recherche a montré que, pour la première fois, à notre connaissance, les récepteurs de cannabinoïdes peuvent fournir une nouvelle méthode de traitement de maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) et éviter le rejet d’allogreffe via la suppression de la réponse immunitaire chez le receveur », conclut l’équipe de recherche.

Compte tenu des effets indésirables graves associés aux traitements actuellement utilisés pour éviter le rejet de greffe, conjointement avec le profil de sécurité très favorable du THC, les auteurs affirment que des traitements plus efficaces avec moins d’effets indésirables sont désespérément nécessaires. Malheureusement, les progrès dans la médecine à base de cannabis semblent être conduits par le développement de composants synthétiques plutôt que de découverte scientifique pure.

« Ces données supportent le potentiel de cette classe de composants, en tant que traitements utiles pour prolonger la survie de la greffe chez les patients ayant reçu une greffe », affirme Mitzi Nagarkatti.

Les patients traités au cannabis en attente de greffe sont touchés de façon négative

Il semble incroyable et paradoxal que bien que la teneur en THC du cannabis médical puisse aider les patients ayant reçu une greffe dans de nombreux pays, ceux qui utilisent le cannabis médical peuvent voir une greffe d’organes rejetée. En effet, les patients qui utilisent le cannabis pour traiter un grand nombre de maladies (ou soulager leurs symptômes) et testent le cannabis de façon positive peuvent être rejetés. Cela est particulièrement ironique aux États-Unis, où le cannabis médical est légal dans de nombreux états.

Toutefois, les médias ont publié plusieurs cas, comme celui d’un patient de 64 ans, Norman Smith. Il a été informé que ses médecins le retireraient de la liste de patients en attente d’une greffe à moins qu’il n’arrête de consommer du cannabis pendant au moins six mois.

Ils lui ont également demandé de participer à un traitement de désintoxication pendant cette période. L’ironie veut que, dans ce même centre médical, Smith a reçu une ordonnance pour du cannabis médical pour l’aider à supporter les effets secondaires de la chimiothérapie pour son cancer du foie. Malheureusement, Mr. Smith est décédé avant qu’il n’ait été réintégré à la liste d’attente d’une greffe.

Le Dr Colquhoun a défendu qu’« ils doivent sérieusement tenir compte des problèmes de toxicomanie puisque cela joue souvent un rôle dans l’évolution de maladies qui peuvent exiger une greffe et peuvent impacter négativement le nouvel organe après la greffe ». Une fois encore, il est ironique que cette déclaration ne repose pas sur une preuve scientifique, étant donné que l’utilisation de cannabis ne provoque aucun dysfonctionnement ou faille de l’organe.

De plus, comparer l’utilisation d’une herbe médicale pour le soulagement de la douleur dans des maladies en phase terminale à un problème de toxicomanie peut être une erreur de jugement de la part d’un professionnel de santé. Il semblerait que ces déclarations reposent sur des stigmates et sur de l’ignorance.

Formulaire d'inscription des donneurs d'organe

Malheureusement, ces décisions peuvent avoir des effets mortels sur des personnes innocentes ; les personnes malades et ayant besoin d’une greffe, tout comme d’autres patients dans le même cas. Depuis 2009, en particulier, une étude a découvert que les utilisateurs de cannabis et les non utilisateurs avaient des chances de survie identiques après une greffe du foie et que « Les actuelles politiques sur la toxicomanie ne considèrent pas [sic] exposer systématiquement les utilisateurs de marijuana à un risque supplémentaire de mortalité. »

De nos jours, huit états des USA considèrent illégal de refuser une greffe d’organe reposant sur l’utilisation de cannabis. Toutefois, cela est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. En Oregon, le combat pour ne pas discriminer les utilisateurs de cannabis est toujours en cours. Néanmoins, comme l’affirme Piseth Pich, agent des relations communautaires pour la Santé à AP News : « Cela dit, il est difficile d’identifier un nombre spécifique de patients qui seraient considérés moins aptes à une greffe en se reposant uniquement sur un seul facteur ».

Il est indéniable que les politiques actuelles doivent changer quant au refus de soins de santé à ces personnes, afin que le cannabis soit reconnu comme un médicament légal. Les responsables politiques feraient bien de prendre exemple sur le livre de Californie, où une loi a été votée pour protéger ces patients.

Prouver que le THC peut aider à réduire le rejet d’une greffe

D’autres recherches, et plus approfondies, sont nécessaires quant à l’utilité du THC dans la prévention du processus de rejet chez les humains. Il est décourageant que cela n’ait pas encore été fait, en voyant comment l’utilité du THC dans la prévention du rejet de greffe a été discutée depuis 1974.

Le potentiel du THC dans ce domaine devrait être exploité afin de prolonger et sauver de nombreuses vies dans le monde – des vies auxquelles on donne une deuxième chance grâce aux donations altruistes de milliers de personnes. Des vies qui, grâce au TCH, pourraient surmonter la perspective atroce de rejet après avoir reçu une greffe tant attendue.

  • Disclaimer:
    Cet article ne remplace aucun conseil, diagnostic ou traitement d’un professionnel médical. Consultez toujours votre médecin ou tout autre professionnel de la santé habilité. Ne tardez pas à obtenir des conseils médicaux et n’ignorez aucune recommandation médicale après avoir lu tout contenu de ce site web. 

Comments

2 réflexions sur “Le THC peut-il aider à éviter le rejet d’une greffe ?”

  1. Je vient d’être Greffé d’’un rein.
    Au début de mon insuffisance renale, un néphrologue m’a conseillé d’arrêter le cannabis pour être inscrit sur la liste,car j’allais ”Oublier” de prendre mes anti-rejets.(quelle stupidité)
    Après 8 jours passé à l’hôpital quel plaisir de vaporiser!
    Surtout après avoir lu cet article!
    Merci Sensi seeds

    1. Mark Smith - Sensi Seeds

      Buenas tardes Benoit,

      Espero que te sientas mejor, ¡y me alegro de que este artículo te haya ayudado!
      Cuídate y que tengas un gran día!

      Mark

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    Sanjai Sinha

    Dr Sanjai Sinha est membre du corps enseignant du Centre médical Weill Cornell de New York où il reçoit des patients, enseigne aux médecins résidents et aux étudiants en médecine et fait de la recherche en services de santé. Il prend soin d’éduquer ses patients et pratique la médecine fondée sur les preuves. Son grand intérêt pour l’examen médical est nourri de ces passions.
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