L’évolution de cannabis sativa et l’ancêtre du cannabis

Une plante de cannabis vert et une plante de cannabis en noir et blanc

L’évolution du cannabis demeure obscure et nous n’arrivons pas encore à expliquer comment le cannabis est devenu la plante que nous connaissons aujourd’hui – s’agit-il d’une seule espèce, de plusieurs? Que signifient les termes « indica » et « sativa »? Nous continuons à éclaircir ces questions, et une meilleure compréhension historique pourrait nous aider.

Les scientifiques s’accordent pour reconnaître que le genre Cannabis est apparu quelque part en Asie centrale et qu’il s’est ensuite répandu et diversifié à l’échelle de la planète. Ils sont également presque certains que les humains avaient découvert le cannabis à la fin de la dernière période glaciaire, il y a de cela quelque 12 000 ans.

La certitude de leurs déductions s’estompe considérablement lorsqu’ils tentent de remonter plus loin dans le passé. Examinons donc ce que nous savons de l’évolution du cannabis en commençant au début de l’histoire.

L’évolution des plantes terrestres

On pense que les plantes, les animaux et les champignons se sont différenciés en règnes distincts il y a environ 1,6 milliard d’années. Avant cela, les représentants de chacun de ces règnes n’étaient que des organismes aquatiques primitifs, tels que les algues et les amibes.

Il y a environ 500 millions d’années (Ma), les tapis d’algues adaptés à coloniser les surfaces rocheuses ont commencé à se différencier en plantes terrestres. D’abord de simples mousses dépourvues de racines et de feuilles et incapables de produire des graines, elles ont évolué au fil du temps, alors que leur décomposition contribua à la formation d’un sol pouvant soutenir des organismes plus complexes. Aux alentours de 350 Ma, des forêts de fougères et de conifères (gymnospermes) couvraient de vastes étendues terrestres.   

Parmi les quatre principaux groupes de plantes terrestres, les plantes à fleurs (angiospermes) comme le cannabis sont les dernières à être apparues, soit, il y a environ 130 Ma, durant le Crétacé. Elles auraient ainsi partagé la Terre avec le tyrannosaure rex et le tricératops, le stégosaure et le diplodocus depuis longtemps éteints !

Depuis, les angiospermes se sont diversifiées en près de 350 000 espèces distinctes, représentant le groupe le plus diversifié et le plus important sur terre. Ses représentants composent d’ailleurs la majorité des cultures agricoles.

À quel moment est apparue la famille des Cannabacées ?

Selon des tests et des comparaisons génétiques avec des familles parentes telles que les Moracées, on pense que la famille des Cannabacées, nommée en l’honneur de son plus célèbre représentant, le cannabis, est apparue aux alentours de 60 Ma. L’excellent ouvrageCannabis: Evolution and Ethnobotany (Clarke & Merlin, 2013) nous informe que dans la famille des Cannabacées, le genre Cannabis s’est d’abord différencié, suivi de l’Humulus (houblon), il y a environ 22 Ma. De plus, des travaux de recherche effectués par GW Pharmaceuticals suggèrent que le cannabis se serait différencié du houblon il y a environ 28 Ma.

Un fossile de cannabis sur le sol

On rapporte la découverte au centre du Kazakhstan de fossiles de feuilles ressemblant à celles du cannabis moderne datant d’aussi loin que 38 Ma, ce qui pourrait indiquer une divergence encore plus ancienne. Des avancées prochaines dans le domaine de la génétique nous permettront sûrement d’élucider ce mystère.

À quoi ressemblaient donc les ancêtres immédiats du cannabis ? Bien que les indices à notre disposition soient quasi inexistants, nous pouvons tout de même examiner quelques caractéristiques qu’il partage avec son plus proche cousin vivant.

Humulus Genus Plant masculin

5 similarités entre le cannabis et le houblon

Parmi toutes les espèces d’aujourd’hui, c’est au houblon que le cannabis ressemble le plus. Le cannabis est le seul représentant de son genre, qui porte le même nom. Il existe trois espèces de houblon, les seules à composer le genre Humulus. Le cannabis et le houblon partagent plusieurs caractéristiques communes :

  1. La production d’une résine riche en terpènes, notamment le myrcène et l’humulène – de loin les composés les plus abondants dans le houblon, également trouvés en grandes quantités dans certaines variétés de cannabis.   
  2. Des feuilles de forme palmée (tout comme plusieurs espèces de la famille des Cannabacées), c’est-à-dire qu’elles ressemblent à une main dont les doigts sont écartés, pourvues de folioles dentées.
  3. Une reproduction dioïque, c’est-à-dire que chaque plante ne porte que des fleurs soit mâles soit femelles, ce qui est considérablement rare au sein des angiospermes (7 % des espèces). Aussi, tous deux ont des tendances monoïques qui font en sorte que des fleurs mâles et femelles peuvent se retrouver sur la même plante. La plupart des angiospermes produisent des fleurs unisexuelles qui possèdent chacune des parties mâles et femelles.  
  4. Le port de fruits appelés akènes. Un akène est constitué d’une graine sèche contenue dans un péricarpe dur (comme une graine de tournesol). La plupart des espèces de la famille des Cannabacées produisent quant à elles des drupes (des fruits charnus à noyau comme les cerises).
  5. Une inflorescence très similaire. Les mâles des deux espèces portent de toutes petites fleurs blanches qui forment de larges panicules, et le pollen est dispersé par le vent. Le pollen des deux espèces est à un tel point similaire qu’il est difficilement différenciable lors d’analyses de pollen ancien. Cependant, les fleurs femelles, bien que d’apparence similaire, comportent plusieurs différences.
Des fleurs de hop empilées ensemble

4 différences entre le cannabis et le houblon

  1. Alors que les fleurs femelles de houblon forment des épis de cônes – ressemblant à ceux des conifères – qui pendent au bout de leur pédoncule, les fleurs femelles de cannabis poussent elles aussi en épis, mais au lieu de pendre, elles sont rattachées à la tige.
  2. Dans le cas du houblon, les fleurs femelles sont logées entre des bractées (petites feuilles qui poussent autour des fleurs) beaucoup plus amples que celles du cannabis, bien que certains phénotypes de cannabis puissent posséder de larges bractées.
  3. Le cannabis est une plante annuelle au contraire du houblon qui, bien que fleurissant et produisant des graines annuellement, possède un rhizome vivace qui assure la régénération de la vigne d’année en année. Le houblon peut facilement être propagé de manière végétative en prélevant une partie du rhizome et en la transplantant. Inutile de dire qu’on ne peut procéder de la sorte avec une plante de cannabis. La reproduction du cannabis est en effet assurée par les graines (le clonage est une technique qui est apparue récemment dans l’industrie).
  4. Le cannabis possède des feuilles composées palmées (digitées), alors que celles du houblon sont palmées lobées. Les feuilles du premier sont nettement divisées en folioles individuelles, alors que celles du second sont composées de lobes fusionnés ensemble. Le cannabis peut parfois présenter des tendances ancestrales palmées lobées (comme affichent certaines variétés afghanes ou hawaïennes nommées « duckfoot »).

À quoi ressemblait l’ancêtre du cannabis et du houblon ?

On peut conclure que l’ancêtre commun du cannabis et du houblon devait vraisemblablement contenir une grande concentration de terpènes, posséder des feuilles dentées et palmées lobées, se reproduire selon un mode dioïque à tendance monoïque, porter des épis de fleurs mâles et d’autres de fleurs femelles pourvues d’amples bractées, et produire des akènes.

Le cannabis et le houblon seraient originaires de l’Asie – on croit que le houblon serait apparu en Chine, le cannabis, en Asie centrale dans des endroits qui s’étendent jusque dans l’ouest de la Chine. Leur ancêtre devait donc aussi provenir de cette région géographique, ce qui est logique, puisque la plupart des représentants de la famille des Cannabacées se retrouvent en Asie.

Toutefois, on ne sait pas si leur ancêtre revêtait la forme d’un buisson (cannabis) ou d’une vigne (houblon), mais puisqu’il ne semble pas qu’il existe d’autres espèces possédant des caractéristiques de vignes au sein de la famille des Cannabacées, il est probable que le houblon se soit développé en liane (plantes grimpantes similaires aux vignes) quelque temps après que les deux espèces se soient différenciées. Des rapports anecdotiques mentionnent quelques fois l’existence de cannabis exhibant certaines caractéristiques grimpantes, mais en règle générale, l’ancêtre commun était une plante érigée comme le cannabis.

Qu’est-il arrivé une fois que le genre Cannabis a divergé ?

Si les genres Cannabis et Humulus se sont différenciés il y a de cela quelque 28 millions d’années, alors, le cannabis a disposé de tout ce temps pour évolué avant que n’entre dans le paysage le genre Homo (2,8 Ma), et d’un autre million d’années ou plus avant que la première espèce d’humain, H. erectus, ne rejoigne l’Asie. Durant tout ce temps, il est plus que probable que les conditions climatiques et atmosphériques aient subi des changements fondamentaux qui auraient causé des changements tout aussi importants dans les habitats des plantes, les forçant à s’adapter rapidement pour survivre.

Durant plus de 25 millions d’années d’évolution, le cannabis a joui d’un climat terrestre « de serre », c’est-à-dire que l’atmosphère était chargée de dioxyde de carbone et les températures étaient chaudes. Aucune couverture glaciaire ne pouvait donc se former. La plante s’est ainsi répandue massivement sur les plaines et les collines d’Asie centrale, colonisant même l’Asie du Sud-Est et certaines parties d’Europe.

Cependant, graduellement au fil du temps, les niveaux de CO2 et les températures ont diminué ; l’histoire de la Terre est constituée de telles fluctuations climatiques. Il y a environ 2,6 Ma, la planète est entrée de nouveau dans une période glaciaire qui perdure encore aujourd’hui (nous sommes en fait dans une période dite interglaciaire, une période relativement chaude entre deux périodes beaucoup plus froides).

À cette époque, la surface de la Terre était presque complètement couverte de glace. Les glaciers continentaux (calottes glaciaires qui s’étendent sur la surface terrestre jusqu’au niveau de la mer) se retrouvaient à des latitudes aussi loin que 40 degrés des pôles, et des milliers d’espèces animales et végétales ont disparu, ou été confinées à des « refuges » dont les conditions moins austères permettaient la survie.

Close de fleur de cannabis violet et vert

Comment le cannabis a-t-il survécu à la période glaciaire

Le genre Cannabis a heureusement survécu, et on pense que c’est parce qu’il aurait colonisé de tels refuges en Asie centrale et méridionale. Les scientifiques sont généralement d’accord pour admettre que le genre aurait subi durant cette époque des changements évolutifs dramatiques. En effet, la transformation radicale des habitats aurait déclenché l’apparition de génotypes mieux adaptés. On pense que les mécanismes d’adaptation qui ont mené à l’apparition des biotypes sativa, indica et ruderalis se sont opérés durant cette période.

Ce serait aussi durant cette période qu’une mutation du gène de la synthase de cannabinoïdes aurait permis à la plante de cannabis de commencer à produire du THC. Ainsi, lorsque le cannabis aurait commencé à se diversifier en différentes espèces, celles que nous connaissons aujourd’hui, il possédait déjà la capacité de produire du THC. Depuis, les quantités de THC produites par les différentes populations de cannabis sont dictées par des processus évolutifs qui dépendent de facteurs environnementaux et anthropologiques.

L’évolution des « sativas », « indicas » et « ruderalis »

On peut présumer que lorsque s’est installée la période glaciaire, le cannabis n’a pas disparu de son aire d’habitat en Asie centrale, puisque les analyses génétiques révèlent l’existence actuelle de bassins de gènes de variétés sauvages extrêmement diversifiés au Kazakhstan, en Afghanistan et à l’ouest de la Chine.   

Cependant, certaines populations isolées ont développé des traits caractéristiques les distinguant des représentants issus du bassin génétique principal. Les scientifiques doivent déterminer si ces différences sont assez significatives pour que les individus les possédant fassent partie d’une espèce à part.

Certains chercheurs pensent que le genre Cannabis comprend trois espèces et plusieurs sous-espèces. C’est ce que soutiennent Clarke & Merlin dans leur ouvrage Cannabis : Evolution & Ethnobotany. Une autre théorie veut que Cannabis ne soit qu’une seule espèce qui exprime une grande variété de caractères génétiques selon son environnement. Ces différences régionales ont donné lieu aux concepts de « sativa », « indica » et « ruderalis », bien que cette classification soit loin d’être acceptée de tous.

Plantes de cannabis à feuilles étroites avec les montagnes en arrière-plan

C’est dans les vallées et au pied des montagnes du nord de l’Inde et du Pakistan qu’est apparue l’espèce que l’on appelle informellement « indica ». Ce type de cannabis agressif et saisonnier a dû s’adapter aux longs étés ensoleillés et aux hivers froids qui caractérisent ces régions. Il est possible que ce soit le principal biotype avec lequel on produit la ‘drogue’, et que les variétés à haute teneur en THC que l’on considère comme étant des « sativas » soient en fait issues d’une sous-espèce à feuilles étroites appelée « indica ». 

Le cannabis s’est aussi dispersé, établissant des populations isolées plus au sud et à l’ouest, dans les steppes désertiques de l’Afghanistan et du Turkestan. Dans un tel climat, plus chaud et humide, les plantes auraient pris de l’ampleur et leurs fleurs seraient devenues moins denses et plus résistantes aux moisissures. Il serait ainsi peut-être plus précis d’appeler Cannabis afghanica l’espèce que nous connaissons comme étant « indica ».

L’espèce C. ruderalis (de petite taille, faible en THC et à floraison déterminée par son stade de développement) s’est établie au centre et au nord de l’Asie en réponse à des températures froides et d’une courte photopériode.

Dans d’autres régions de l’Asie et dans certaines parties de l’Europe ont évolué des espèces similaires au chanvre tel que nous le connaissons aujourd’hui. Celles-ci étaient aussi adaptées à un climat froid, quoiqu’à un degré moindre que le ruderalis. Elles fleurissent en fonction des changements saisonniers, mais sont loin de produire de grandes quantités de cannabinoïdes. Le chanvre européen est en effet la plante C. sativa, alors que certaines populations asiatiques de chanvre proviennent de la plante C. indica.

Comment les humains ont-ils influencé l’évolution du cannabis

Le genre Cannabis est doté d’une telle plasticité phénotypique (capacité d’afficher de grandes variations dans son phénotype) qu’il existe certainement des différences fondamentales entre les différents biotypes. De plus, on peut se permettre de croire que durant ces deux millions d’années d’évolution fulgurante, les humains ont eu leur rôle à jouer dans la direction des processus d’adaptation des différents biotypes, à commencer par H. erectus.

En effet, en ce qui concerne l’évolution des différentes variétés de cannabis depuis la fin de la dernière période glaciaire, il est très probable que les efforts de croisements sélectifs qui ont été déployés au cours des 12 000 dernières années aient représenté les plus importants facteurs de sélection. Nous sommes, à l’évidence, responsables de la si grande répartition géographique dont jouit le cannabis aujourd’hui.

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