De tous les cannabinoïdes connus, la tétrahydrocannabivarine (THCV) est un des plus importants d’un point de vue médical. Elle agirait à titre d’antagoniste des récepteurs cannabinoïdes à faible dose, mais étonnamment, en doses plus importantes elle agit comme un agoniste aux effets similaires à ceux du THC.
Depuis sa découverte en 1973, la THCV a graduellement gagné en popularité dans les communautés médicales, et au cours de la dernière décennie, les recherches sur ses propriétés pharmacologiques se sont intensifiées. Comme le CBD, elle semble remplir des fonctions régulatrices importantes dans le système immunitaire, notamment en cas d’inflammation et de douleurs inflammatoires. Les effets de la THCV sont souvent contraires à ceux du THC, mais à forte dose, ils s’en rapprochent.
Structure chimique et propriétés de la THCV
La formule chimique de la THCV est C19H26O2 ; elle contient 19 atomes de carbone, 26 d’hydrogène et deux d’oxygène. À l’instar de tous les autres phytocannabinoïdes, la THCV est un composé huileux insoluble dans l’eau mais très soluble dans les solvants à base de lipides.
La structure de la THCV est très similaire à celle du THC. La disposition de leurs atomes est presque identique, comme on peut le constater en comparant leur structure moléculaire 3D. Cependant, le THC possède une chaîne latérale composée d’un groupe pentyle (-C₅H₁₁), alors que celle de la THCV est composée d’un groupe propyle (-CH2CH2CH3). Comme le THC, la THCV possède différents isomères ; le plus courant est le Δ9-THCV, alors que le Δ8-THCV est relativement plus rare.
La THCV n’est pas le seul cannabinoïde à posséder un groupe propyle au lieu d’un groupe pentyle. D’autres cannabinoïdes à chaîne propyle correspondant à leur homologue à chaîne pentyle sont connus : la cannabidivarine (CBDV, homologue du CBD) et la cannabivarine (CBV, homologue du CBN). Ces cannabinoïdes qui possèdent un groupe propyle portent le suffixe « varine ».
Comment la plante de cannabis produit-elle la THCV ?
Plusieurs cannabinoïdes, incluant le THC et le CBD, sont produits grâce à l’acide cannabigérolique (CBGA), un précurseur. L’acide cannabigérolique se forme à la suite d’une réaction entre deux composés, l’acide olivétolique et le géranyl-pyrophosphate.
Cependant, la voie de biosynthèse de la THCV est sensiblement différente. Au lieu de réagir avec l’acide olivétolique, le géranyl-pyrophosphate réagit avec l’acide divarinolique, une molécule similaire, mais qui possède deux atomes de carbone en moins.
Cette réaction mène à la formation de l’acide cannabigérovarinique (CBGVA), qui à son tour réagit avec une enzyme, la THCV synthase (tous les cannabinoïdes ont une enzyme synthase correspondante qui catalyse leur biosynthèse) pour former l’acide carboxylique tétrahydrocannabivarine (THCVA). Le THCVA est ensuite décomposé en THCV grâce à un processus de décarboxylation identique à celui qui dégrade le THCA.
Dans le cadre d’une étude publiée en 2004 dans le American Journal of Botany, des tests ont été effectués sur des cultivars traditionnels provenant des quatre coins de la planète afin de déterminer leur teneur en cannabinoïdes et les ratios dans lesquels ils étaient présents. La THCV a été trouvée dans tous les cultivars testés, en concentration plus importante dans les cultivars traditionnels de C. indica originaires d’Asie centrale et du Sud-Est et du sud de l’Afrique.
Une autre étude, effectuée en 1973 par la société pharmaceutique Syntex, a trouvé dans une variété africaine un taux de THCV fulgurant, 53,7 %, alors qu’un variant afghan en contenait 48,2 %.
Il est rare que les variétés commerciales d’intérieur contiennent de hauts niveaux de THCV, mais une poignée de variétés sont actuellement élaborées pour offrir des taux significatifs de ce cannabinoïde. Une mystérieuse variété, la Doug’s Varin (dont les graines ne seraient pas encore disponibles), a été créée et est testée par les laboratoires Steep Hill ; les échantillons décarboxylés ont révélé 21,1 % de THC et 24,3 % de THCV.
Comment la THCV affecte le système endocannabinoïde
La THCV et plusieurs autres cannabinoïdes se lient à des sites récepteurs spéciaux du corps humain, dans le cerveau, les principaux organes et à l’échelle des cellules du système immunitaire. Ces récepteurs sont en fait des protéines spécialisées que l’on retrouve dans la jonction présynaptique entre les neurones (cellules nerveuses). Jusqu’à présent, on a identifié deux récepteurs cannabinoïdes principaux – les récepteurs cannabinoïdes de type I et II, ou CB1 et CB2.
La THCV a la capacité de se lier à ces deux récepteurs (CB1 et CB2). Plus intéressant encore, il semble que la dose de THCV ait une influence sur l’effet qu’elle a sur le récepteur CB1 : en faibles doses, la THCV a une action antagoniste (qui bloque l’activité), alors qu’en doses plus importantes, elle agit en tant qu’agoniste de la même manière que le THC !
Ces découvertes semblent démontrer que la THCV est une autre molécule psychoactive, bien que la science moderne ne sait pas encore si elle est psychoactive ou non. En effet, ce n’est que dans certains cas qu’elle se lie aux récepteurs CB1, le mécanisme qui donne au THC son effet psychoactif. Cependant, on ignore si la THCV a des effets psychoactifs. Selon les laboratoires Steep Hill, la THCV est plus stimulante et énergisante que le THC, et semble même contrecarrer l’effet sédatif du monoterpène myrcène.
Applications médicales de la THCV
La THCV présente peut-être le plus grand intérêt médical en vertu de son potentiel à traiter l’intolérance au glucose liée à l’obésité et la résistance à l’insuline chez les personnes diabétiques. Dans cette étude de 2013, les chercheurs ont administré de la THCV à des modèles rongeurs obèses résistants à l’insuline et intolérants au glucose. Les souris n’ont pas perdu de poids, mais leur intolérance a été améliorée significativement, tout comme leur sensibilité à l’insuline. Des recherches supplémentaires s’imposent, mais la THCV pourrait peut-être aider les diabétiques obèses à perdre du poids.
Tout comme la CBDV, la THCV est aussi acclamée pour réduire les crises d’épilepsie, une vertu que possèdent nombre de cannabinoïdes. Jusqu’à maintenant, le mécanisme exact de ce pouvoir est inconnu, mais on pense qu’il soit influencé par l’interaction des récepteurs CB. Les chercheurs d’une étude de 2010 publiée dans Epilepsia ont suggéré que la THCV avait une possible application thérapeutique dans le traitement des crises, particulièrement celles caractérisées pas un état d’hyperexcitabilité.
En plus de ces deux effets précis, la THCV offre aussi les mêmes vertus que bien d’autres cannabinoïdes. Elle est antioxydante, offrant les mêmes propriétés neuroprotectrices que le CBD. Elle offre des effets anti-inflammatoires et analgésiques, particulièrement en cas de douleurs inflammatoires liées à l’arthrite rhumatoïde.
GW Pharmaceuticals et ses recherches sur la THCV
GW Pharmaceuticals a commencé à étudier les effets de la THCV sur les humains et son potentiel à traiter l’obésité et d’autres troubles d’origine métabolique. Cette pharmaceutique a montré un grand intérêt dans la recherche sur les cannabinoïdes et a été la première à fabriquer un produit pharmaceutique dérivé du cannabis, Sativex (à base de THC). Depuis, elle a aussi sorti Epidiolex (un produit à base de CBD).
GW Pharmaceuticals a aussi breveté une préparation de THCV avec du CBD optionnel pour le traitement de l’épilepsie et des crises généralisées. L’objectif est d’amplifier les effets anticonvulsifs du CBD en ajoutant de la THCV à la préparation.
De bien des façons, la THCV est similaire au THC. Cependant, comme il est possible qu’elle soit dépourvue de psychoactivité, ou du moins que sa psychoactivité soit moins forte que celle du THC, ces applications médicales pourraient représenter un plus grand intérêt pour certains. Ainsi, ceux qui préfèrent ne pas ressentir les effets du THC pourraient se tourner vers la THCV et retirer les mêmes effets thérapeutiques.
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