Sensi Seeds a 40 ans : racines de l’histoire néerlandaise du cannabis

Ben Dronkers et Sensi Seeds sont synonymes de cannabis de renommée mondiale et des débuts de l’histoire néerlandaise de la sélection du cannabis. Nous explorons ces deux sujets dans notre article en série composés de nouveaux interviews exclusifs et présentant une variété historique chaque mois de 2025, année du 40e anniversaire de Sensi Seeds.

« Au début, il n’y avait pas de militants, évidemment. Seulement des gens qui aimaient fumer ». Ben Dronkers tire sur un gros joint. Il raconte le passé, mais il philosophe aussi. « Et quand on commence à fumer, on développe un intérêt pour bien d’autres choses, n’est-ce pas ? »

C’est vrai. De l’anthropologie à l’agriculture, le cannabis éveille la curiosité pour une foule de sujets. Depuis combien de temps les humains en consomment-ils ? Quelles sont toutes ses fonctions ? Pourquoi l’a-t-on rendu illégal ? Comment lui redonner sa légalité ? Et – question fondamentale pour le jeune Ben des années 70 – qu’est-ce qui se passe si je croise cette variété avec celle-là ?

Ben expire la fumée, dépose les cendres dans un cendrier antique en laiton de Bornéo. Par la fenêtre, il contemple le passé, quatre décennies qui se sont écoulées sur ce même segment du canal où nous nous trouvons, à Amsterdam. Les bâtiments n’ont pas beaucoup changé après plus de deux siècles, seulement les vitrines des différents commerces, dont le sien. Il sourit.

« Quand j’ai ouvert ma première boutique de graines, je pense que c’était la première vraie au monde. D’autres gens en vendaient par commandes postales, mais ma boutique était la première ayant pignon sur rue. Elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui ».

« Ce qu’elle est aujourd’hui » est Sensi Seeds, après s’être appelée The Sensi Seed Bank, le Sensi Connoisseurs’ Club et la Seed Bank of Holland. L’année 2025 marque le 40e anniversaire depuis que Ben Dronkers a lancé une petite sélection de graines de cannabis. D’abord les ventes se faisaient par la poste, puis en personne dans sa boutique au cœur d’Amsterdam où le Red Light District rencontre un site du patrimoine mondial de l’UNESCO.

La boutique est encore là, ainsi que certaines de variétés old-school originales. Dans le catalogue de graines de cannabis, on retrouve encore la Hash Plant, la Skunk #1, l’Afghani #1, la Early Skunk et la Early Pearl, des variétés aujourd’hui deux fois plus vieilles que certains de leurs cultivateurs. Voilà qui témoigne de leur attrait indémodable, et à ce titre, elles figurent dans les annales de l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais.

La plus importante banque de graines de cannabis au monde a 40 ans

Dans cet article en série, nous explorons douze des variétés de cannabis Sensi Seeds les plus vieilles qui demeurent encore pleinement populaires aujourd’hui. Chaque mois de 2025 mettra une variété à l’honneur, année où la plus importante banque de graines de cannabis a 40 ans.

Ben et sa famille partagent les anecdotes qui parsèment la première décennie de l’entreprise et chacune des variétés, de leur élaboration à leurs effets. Nous regardons ce qui a marqué leur année de lancement – dans quelle sorte de monde ces variétés révolutionnaires ont-elles vu le jour ? Et dans un présent tourné vers l’avenir, quelles variétés permettent-elles de créer ?

Ne manquez pas un article de cette série mensuelle, et partagez vos souvenirs en commentaires !

Chapitre un : Afghani #1, 1985

Ce n’est pas tout le monde qui aime l’Afghani #1. Environ 20 ans après sa sortie, un jeune Français est entré dans la banque de graines Sensi en déclarant qu’elle était littéralement non fumable. C’était l’époque où les variétés sucrées et fruitées étaient populaires. Le funk piquant et humide de l’herbe afghane originale était peut-être trop intense pour certains.

Mais lorsqu’un puriste voulait une indica traditionnelle de l’Himalaya, l’Afghani #1 était ce qui s’en rapprochait le plus. Lorsqu’un touriste voulait de la « bonne herbe old-school comme on en fumait dans les années 70 », l’Afghani #1 faisait l’affaire.

Lorsqu’un sélectionneur amateur passe une heure à discuter des détails de ce qu’il veut obtenir (vendre des graines de cannabis est parfois un processus lent et collaboratif, pensons à un mécanicien et un pilote de course qui examinent les besoins et les possibilités d’une voiture), c’est l’Afghani #1 qui est le moteur de la réussite.

Elle est si bonne que tout ça est encore le cas aujourd’hui. L’Afghani #1 de Sensi Seeds est citée comme l’ancêtre directe d’au moins 51 variétés enregistrées sur Seed Finder. Le nombre réel de ses descendantes est inconnu, mais sans aucun doute massif.

Afghani #1 : moteur de la réussite

Ce qui est encore plus impressionnant, c’est le nombre de personnes qui en ont acheté des graines. L’Afghani #1 Régulière a été en vente sans interruption depuis son lancement en 1985. D’abord par commande postale, puis dans un nombre toujours croissant de boutiques, et enfin en ligne après le lancement de sensiseeds.com, le premier site web d’une entreprise de graines de cannabis, en 1996.

Pourquoi avoir commencé par l’Afghani #1 ? C’est simple : c’est la variété à partir de laquelle l’un des types de haschich préférés de Ben a été fabriqué. Au cours de la décennie qui a précédé le lancement du Sensi Connoisseurs’ Club, de la Seed Bank of Holland et du Super Sativa Seed Club – les membres fondateurs de l’histoire néerlandaise de la sélection du cannabis – la situation du cannabis néerlandais cultivé à domicile était en effet très mauvaise. Les produits importés dominaient la scène naissante des « coffeeshops ».

Ravi, le fils de Ben, qui travaille également pour l’entreprise, poursuit l’histoire : « Les gens fumaient de l’herbe thaïlandaise, colombienne et jamaïcaine. Tout était importé. Il y avait aussi du hasch libanais, du marocain, du népalais et surtout de l’afghan. Peu de gens fumaient les variétés hollandaises.

Il y avait des variétés comme la Willem’s Wonder et la Holland’s Hoop (aujourd’hui connue sous le nom de Holland’s Hope), qui faisaient partie des premières variétés de graines du Super Sativa Seed Club, mais elles n’étaient pas vraiment fumées. La culture du cannabis aux Pays-Bas n’est apparue que plus tard. »

Un ‘sandwich Afghan’

À cette époque, Ben – comme bien des gens qui testaient les limites de la tolérance naissante du gouvernement néerlandais dans les années 1970 – menait ses opérations cannabiques principalement sous le radar. À Rotterdam, il avait un magasin de sandwich où il vendait un ‘broodje Afghaan’, littéralement, un sandwich afghan ; un fin mets composé d’un sandwich ordinaire accompagné d’un morceau de hasch afghan.

Lors de ses voyages, Ben voulait naturellement voir où était produit son haschich préféré, et connaître la plante de laquelle il provenait. C’est à ce moment que les cultivateurs lui ont suggéré de rapporter quelques graines.

L’Afghani #1 figurait dans le tout premier catalogue du Sensi Seed Club en 1985. Alors âgé de 9 ans, Ravi avait vu de ses propres yeux d’où provenait l’Afghani #1 :

« L’un des premiers souvenirs que j’ai, c’est d’avoir été en Afghanistan quand j’étais un petit garçon. Mon père voulait des photos avec les moudjahidines. L’une d’entre elles a été utilisée dans le catalogue. Je ne sais pas si j’étais là quand cette photo a été prise, mais il y a des photos de moi en Afghanistan, un petit garçon aux cheveux blonds, et c’était juste au début de toute cette histoire ».

Depuis ces débuts révolutionnaires discrets, elle a été utilisée dans des variétés primées telles que la Runtz et la Wedding Cake. Les bases de données en ligne sur l’histoire de la sélection du cannabis en attestent d’innombrables autres, sans compter tous les croisements par des amateurs experts qui demeurent des légendes locales.

Naturellement, les sélectionneurs de Sensi Seeds l’utilisent encore eux-mêmes. Il est indéniable que l’Afghani #1 a eu, et continue d’avoir, un impact durable sur le monde du cannabis.

Des effets durables

En 1985, bien des choses se produisaient et 40 ans plus tard, continuent d’avoir un effet. Le Nintendo Entertainment System sortait en Amérique du Nord ; l’Afrique du Sud mettait un terme à l’interdiction des mariages interraciaux ; les scientifiques du British Antarctic Survey annonçaient la découverte d’un trou dans la couche d’ozone, sonnant pour la toute première fois l’alarme d’une crise climatique. À Tokyo, Studio Ghibli (créateur de tant de films adorés des stoners) voyait le jour.

Mais l’Afghani #1 n’est pas la seule variété qui a bouleversé le monde et qui a fait ses débuts en tant que variété offerte en graines en 1985. Le sujet de notre prochain chapitre a remporté un nombre incroyable de prix et est aussi magnifique que son homonyme. Savez-vous de qui il s’agit ? Devinez-le dans les commentaires et restez à l’affût du prochain chapitre pour savoir si vous avez raison !

Cet article en série sur l’histoire néerlandaise de la sélection du cannabis et de Sensi Seeds est mis à jour périodiquement au cours de l’année 2025. Surveillez nos médias sociaux et revenez ici régulièrement pour ne rien manquer !

Chapitre deux : Northern Lights, 1985

La Northern Lights est au cannabis ce que les Rolling Stones sont à la musique. Une herbe toujours aussi géniale, qui a la capacité de surprendre et de dynamiser son public bien qu’elle ait apparemment existé depuis toujours. La vieille blague pourrait être facilement étendue : après l’apocalypse, il ne restera plus que les cafards, Keith Richards et la Northern Lights (au bonheur de Keith).

Elle a été échantillonnée et remixée. Les nouveaux venus la citent comme une influence. C’est une géante qui tient facilement sa place aux côtés de superstars plus récentes telles que la Zkittlez (qui compte la Northern Lights #1 comme l’une de ses ancêtres) et les représentantes de la famille Cookie.

Le nom Northern Lights est aujourd’hui tellement synonyme de cannabis qu’il faut se demander pourquoi on l’a appelé ainsi à l’origine. À l’époque, le cannabis était nommé soit en fonction de sa localisation géographique d’origine (thaïlandaise, mexicaine, toute une série de vallées dans la région de l’Himalaya), soit en fonction de son odeur (Skunk).

Mais certaines ont été nommées en raison de leur apparence, et une version de l’origine du nom Northern Lights repose sur le magnifique chatoiement d’un vert vif parsemé de notes violettes et bleues que développent les fleurs les plus mûres.

Une autre version de l’histoire veut que cette herbe cultivée à l’origine était si forte qu’elle provoquait des effets visuels semblables à ceux d’une aurore boréale.

Alors que Ben a ramené l’Afghani #1 originale aux Pays-Bas sous forme de graines « traditionnelles », l’autre variété de cannabis absolument puissante née en 1985 a été créée dans le nord-ouest du Pacifique et stabilisée par un groupe de sélectionneurs connu sous le nom de Northern Lights Crew.

Au début des années 80, Nevil Schoenmakers, un autre sélectionneur qui devint légendaire, a obtenu des graines de l’un d’entre eux. Seattle Greg, comme on l’appelle, est un sélectionneur qui travaille encore aujourd’hui avec Sensi Seeds. Alan, le fils aîné de Ben (aujourd’hui docteur honoraire en cannabis), se souvient : « Il y a eu quelques connaissances très précieuses. Greg est arrivé avec tout un tas de graines étiquetées #1, #2, #3 et ainsi de suite. »

Un tour de force primé

La Northern Lights est devenue célèbre presque immédiatement après son lancement aux Pays-Bas et reste l’une des variétés traditionnelles les plus appréciées au monde.

Quatre ans après ses débuts en Europe, la variété #5 a remporté la Cannabis Cup 1989. Ce fut le début d’un tour de force pour l’hybride afghane x thaïlandaise, qui allait dominer les compétitions comme jamais auparavant. Seule la sortie de la Jack Herer, elle-même descendante de la puissante Northern Lights, a freiné sa trajectoire de comète.

Elle a même été citée dans le livre révolutionnaire Marijuana : The Forbidden Medicine du Dr Lester Grinspoon. « La Northern Lights reste l’une des variétés les plus fiables et les plus puissantes disponibles », écrit le professeur émérite de Harvard en 2003. Trois ans plus tard, Sensi Seeds sortait finalement une version féminisée, suivie d’une version à autofloraison en 2013. Ces deux variantes ont été récompensées à plusieurs reprises.

La fondation de classiques modernes dans l’histoire du cannabis aux Pays-Bas

La Northern Lights a connu plusieurs itérations au fil des ans. La #5 est peut-être la plus connue, en partie grâce à sa descendance presque aussi célèbre, la NL#5 x Haze. Cependant, les #1 et #2 ont gagné en popularité ces dernières années, et ces trois versions apparaissent dans des classiques modernes tels que la Mimosa, la Purple Punch et l’Apple Fritter.

Époque sombre pour les États-Unis

La seconde moitié de 1985 aux États-Unis a été marquée par Ronald Reagan qui continuait à ignorer à la fois la futilité de sa soi-disant guerre contre la drogue et l’ampleur terrifiante de l’épidémie de SIDA dans le pays qu’il était chargé de protéger. En octobre, lorsque Reagan signe la Anti-Drug Abuse Act, on estime à plus de 13 000 les personnes décédées du sida aux États-Unis depuis 1980. Reagan n’a pas évoqué publiquement le sida avant septembre 1985.

Cette négligence criminelle combinée à la campagne grotesque de sa femme Nancy « Just Say No », a causé la destruction de la vie de centaines de milliers de personnes dont le seul crime était d’apprécier des plaisirs considérés comme trop éloignés du courant dominant pour justifier des soins ou de la dignité.

À Amsterdam en 1985, où Ben ouvrira une boutique l’année suivante, la scène des coffeeshops était déjà bien établie. En plus d’être l’année où l’Afghani #1, la Northern Lights et le Sensi Seed Club ont fait leurs débuts, 1985 a également été l’année du 10e anniversaire du coffeeshop Bulldog original.

Persistance et détermination pour des changements durables

On croit à tort que les lois néerlandaises ont été modifiées pour ouvrir la voie aux coffeeshops, de la même manière que la législation adoptée par les États américains a permis l’ouverture de dispensaires. C’est tout le contraire. C’est la détermination persistante et cohérente des fondateurs de coffeeshops refusant d’arrêter de vendre de l’herbe et du hasch avec du thé et du café qui a ouvert la voie à la modification de la législation.

Suivant les traces de premiers militants néerlandais pour le cannabis comme Robert-Jasper Grootveld et Kees Hoekert de la Lowlands Weed Company, des gens comme Ben et Henk de Vries des coffeeshops Bulldog ont résisté à de multiples arrestations et ont continué à aller de l’avant.

Lorsque Ben a appris que la vente de graines de cannabis était totalement légale en vertu de la législation néerlandaise, son activité a changé, passant de la production de bourgeons à la production de graines. En tant qu’entrepreneur marié et père de quatre enfants en âge scolaire, il n’avait pas beaucoup de temps libre. Cependant, ses courts séjours en prison – le plus long ayant été de six semaines – lui ont donné l’occasion de faire ses recherches.

La prison, l’occasion d’étudier

Ben : « Lors de mon dernier séjour en prison, j’ai vraiment étudié l’Opiumwet, la loi sur les drogues. J’y ai lu que toutes les parties de la plante étaient interdites, à l’exception des graines. À ma sortie, je suis donc allé voir un célèbre avocat spécialisé dans l’agriculture. Je lui ai demandé : “Si les graines ne sont pas interdites, pourquoi ne puis-je pas les cultiver ?”

Il m’a répondu : “C’est une bonne question. Revenez dans quelques semaines”. Je lui ai versé beaucoup d’argent, je crois que c’était 6000 florins à l’époque [environ 7000 euros aujourd’hui – S.]. Deux semaines plus tard, je suis retourné à son bureau et il m’a dit : « Oui, je pense que vous pouvez. Il ne devrait pas y avoir d’objection à cela si vous ne faites que cultiver les graines ».

Alors je m’y suis mis. J’ai ouvert la boutique à Amsterdam et j’ai été voir un célèbre semencier néerlandais, Pieterpik, qui vendait des graines aux touristes – tournesols, tulipes, etc. – et j’en ai achetées beaucoup puis j’ai ouvert une boutique de graines », révèle-t-il avec un grand sourire.

Caché à la vue de tous

« Je savais qu’il serait trop suspect si j’ouvrais une boutique ne vendant que des graines de cannabis ! Je vendais donc toutes sortes de graines, mais j’avais aussi une grande section réservée aux graines de cannabis. C’est rapidement devenu connu de tous, et tout le monde est venu.

Il faut savoir qu’à l’époque, personne ou presque ne cultivait de cannabis. À ce moment, on ignorait qu’il était possible de cultiver de la marijuana, et surtout aux Pays-Bas avec son climat froid et moins qu’idéal. Mais je l’avais fait dans ma jeunesse dans un petit grenier avec un ami. Nous avions fait un tipi avec des tubes fluorescents, et avions placé la plante au milieu, ça avait fonctionné.

À partir de là, j’ai commencé à le faire dans une petite serre, et ça a marché, puis je me suis fait prendre à nouveau, et encore… et puis j’ai ouvert la boutique de graines, parce que c’était une bonne façon d’utiliser mon énergie ».

Peu après l’ouverture du magasin de graines, Ben a entamé une relation d’affaires avec un autre pionnier du cannabis, Nevil Schoenmakers. Cette collaboration a changé le visage de l’histoire de la sélection du cannabis aux Pays-Bas, tout comme la variété présentée dans le prochain chapitre de cet article !

Chapitre trois : Skunk #1, 1987

En mars 1987, le monde commençait à réaliser que les années quatre-vingt tiraient à leur fin et qu’il fallait faire preuve de maturité. Pour la génération X, les années soixante-dix semblaient être un lointain passé, tandis que les baby-boomers ne semblaient pouvoir accepter que cette décennie était terminée.

Les pays occidentaux riches délaissaient quelque peu le cannabis en tant que drogue récréative. C’était l’époque où l’on gagnait beaucoup d’argent, où l’on célébrait les biens matériels et où l’on portait des vestons avec de gigantesques épaulettes. Le cannabis rappelait trop les hippies, l’amour libre et les vieux en ponchos multicolores. En outre, il n’était généralement pas de très bonne qualité.

L’arrivée de variétés Skunk a tout changé.

La fascination commune de Nevil et Ben pour la collecte de nouvelles génétiques de cannabis a été renforcée par l’arrivée de variétés Skunk en provenance des États-Unis.

Cet épisode a été raconté en détail ailleurs sur notre blogue. Comme c’est souvent le cas dans l’histoire de la sélection du cannabis aux Pays-Bas, les origines générales font plus ou moins consensus et les détails sont souvent contestés (ce qui, quoi qu’on en pense, rend les choses intéressantes). L’interview de Sam the Skunkman est un excellent point de départ pour l’histoire de la Skunk #1.

Sam a fourni des graines de Skunk #1 à une poignée de sélectionneurs d’Amsterdam, dont Nevil. Après quelques ajustements, Nevil l’a lancée comme variété sous forme de graines dans le catalogue de 1987 de la Seed Bank of Holland. Sans le savoir, Nevil venait de changer le cours de l’histoire de la sélection du cannabis aux Pays-Bas.

À cette époque, Ben vendait les graines de Nevil aux côtés des siennes dans la boutique du Sensi Connoisseurs’ Club. La rumeur continuait à se répandre que les graines de cannabis étaient disponibles gratuitement dans ce pays. Nevil a commencé à faire de la publicité dans le magazine High Times. Ben jonglait entre les exigences de son entreprise en pleine croissance et celles de sa famille qui s’agrandissait : « Je travaillais comme un fou, mais nous prenions de longues vacances ! »

Les Skunk ont connu un tel succès en culture intérieure qu’elles étaient croisées avec presque tout, et c’est probablement la variété qui a le plus de descendants portant son nom. À elle seule, Sensi Seeds en propose une vingtaine de variantes. En 2007, une version féminisée de la Skunk #1 originale a été commercialisée ; une version à autofloraison a suivi en 2013. D’autres banques de graines ont rapidement emboîté le pas. Chaque nouvelle génération d’hybrides a produit des variétés stellaires créées à partir de la Skunk #1 : Papaya, Mimosa, Apple Fritter et Blue Dream ne sont que quelques exemples.

La High Times Cannabis Cup oubliée

La Skunk #1 a gagné la première High Times Cannabis Cup, qui s’est tenue à Amsterdam en 1988 : c’est un fait reconnu largement diffusé. Or, ce qui est moins connu – en fait, ce que seulement une poignée de personnes savaient avant la publication de cet article – c’est que selon Ben, la toute première High Times Cannabis Cup s’est plutôt tenue en 1987. Et la Skunk #1 l’a aussi gagnée !

Ben : « C’était en 1987. J’avais un petit restaurant à Rotterdam qui s’appelait Yum Yum. Je connaissais déjà Nevil. L’idée pour le High Times venait d’Ed Rosenthal, il n’avait que 600 dollars pour créer un événement ! Nous l’avons donc organisé dans mon restaurant. C’était la première Cannabis Cup. Je n’ai pas gagné de prix », rigole-t-il.

Kees Hoekert et Robert-Jasper Grootveld, les deux pionniers de la scène cannabique d’Amsterdam, étaient présents. Ils ne vendaient pas de graines de marijuana, mais des plantes et des graines de chanvre sur un radeau [le Witte Raaf, à partir duquel ils opéraient la Lowlands Weed Company – S.]. De petits plants de chanvre pour un florin chacun. Des types sympas, vraiment sympas, je les adorais.

Ed Rosenthal et moi étions là, il y avait environ trois concurrents et cinq juges, et c’est ainsi que l’American Cannabis Cup a vu le jour. Plus tard, c’est devenu… » D’un geste il décrit le mouvement d’une grande roue.

Presque tous ceux qui lisent ces lignes savent que la Cannabis Cup est devenue un événement de plus en plus important et de plus en plus grand public. Les premières années, la législation américaine empêchait les organisateurs d’organiser chez eux cette orgie de trois jours consacrée à l’horticulture récréative. Amsterdam, avec ses centaines de coffeeshops et son infrastructure touristique parfaitement rodée, était idéale.

Cette situation s’est progressivement modifiée avec le lent mais constant changement de la marée verte. Bien que le président américain Ronald Reagan et sa femme Nancy aient tout fait pour prétendre que le cannabis était mortel et que le sida n’existait pas, des gens comme Brownie Mary ont exposé leurs mensonges, un produit comestible à la fois.

Les efforts déployés par la communauté homosexuelle pendant la crise du sida pour légaliser le cannabis thérapeutique ont amorcé un changement encore en cours aujourd’hui (et vous pouvez être certain qu’une bonne partie de cette herbe médicinale était liée à la Skunk #1). Mais alors que la législation nord-américaine s’est élargie pour inclure l’usage récréatif et médicinal, la législation néerlandaise s’est resserrée.

Une porte s’ouvre, une autre se ferme

Le nombre de coffeeshops à Amsterdam a considérablement diminué. Les lois antitabac dans les lieux publics ne permettaient plus de fermer les yeux sur les personnes qui fumaient également un joint. Organiser un événement cannabique aux États-Unis, où le cadre juridique de la consommation de cannabis est clairement défini, est devenu plus facile que de le faire aux Pays-Bas, où la politique hétérogène de tolérance ne fait que créer des zones grises dépénalisées.

La situation est si ambiguë qu’en 2013, lors de la 26e édition de la High Times Cannabis Cup organisée aux Pays-Bas, Ben a été réprimandé par la sécurité pour avoir distribué de l’herbe gratuitement. Ironie du sort, c’est ce même jour qu’il a été intronisé au Cannabis Cup Hall of Fame.

La Skunk se taille une place bien à elle

« Skunk » est devenu synonyme de « cannabis » que ne peuvent qu’envier les autres variétés – même la diva verte du mois dernier, la Northern Lights. L’envers de la médaille de sa si grande célébrité, en particulier dans les médias grand public, est qu’elle est régulièrement décrite comme une sorte d’herbe tellement forte que ce n’est même plus du cannabis.

Dans d’autres cercles, le terme signifie simplement du cannabis de bonne qualité. Le service d’assistance téléphonique britannique « Talk to Frank » décrit l’« herbe » comme étant de couleur vert brunâtre et « pouvant ressembler à des herbes séchées » ; la « Skunk », en revanche, est « de couleur vert vif, pâle ou foncé, et recouverte de minuscules cristaux ». Frank semble ignorer qu’il s’agit de la même espèce et n’a manifestement jamais cultivé de cannabis. Même une petite expérience pratique montre que l’environnement de culture joue un rôle énorme dans l’aspect du résultat final, en particulier dans le climat moins qu’idéal du Royaume-Uni.

Les Pays-Bas sont confrontés à des défis similaires en matière de culture extérieure. Lorsque la Skunk #1 a été lancée ici en 1987, il y avait très peu d’herbe de bonne qualité disponible, malgré la scène florissante des coffeeshops.

Le cannabis néerlandais cultivé à la maison n’était pas raffiné ; il devait consacrer toute son énergie à la survie plutôt qu’au développement de belles fleurs. Il y avait des variétés d’extérieur telles que la Willem’s Wonder et la Holland’s Hoop (rebaptisée plus tard Holland’s Hope) ; hoop signifiant « espoir » et wonder « miracle », on voit à quel point il était difficile de cultiver avec succès du cannabis dans un jardin néerlandais. Elles rappelaient plutôt l’histoire glorieuse des Pays-Bas en tant que nation productrice de chanvre industriel et non de potentiels vainqueurs de Cannabis Cups.

Alan résume ainsi la situation : « Beaucoup de variétés n’étaient pas bonnes. Aux Pays-Bas, les hippies ne cultivaient que des graines de chanvre. C’est pourquoi, dans un premier temps, les variétés rapportées par Sam the Skunkman semblaient enfin probantes. Elles provenaient vraiment des États-Unis jusqu’aux Pays-Bas ».

Il rit en se souvenant de l’impression qu’il a eue des nouvelles variétés. « J’étais très jeune, mais je me souviens de la première fois – naturellement, je ne l’ai jamais oubliée – lorsque mon père m’a montré ce premier petit bourgeon vert ». Quel changement cela a dû être des fleurs brunâtres, semblables à du chanvre, auxquelles Alan était habitué.

Le cannabis importé ne valait guère mieux que les variétés traditionnelles néerlandaises cultivées en plein air. Celui-ci était rapidement séché, compressé en briques fibreuses et dissimulé dans diverses cachettes non ventilées avant d’être acheminé vers les Pays-Bas, atterrissant généralement à Rotterdam, la ville natale de Ben. Certaines briques provenaient d’anciennes conquêtes coloniales néerlandaises, comme l’Indonésie, empruntant la même route que les épices, le café et l’opium quelques centaines d’années auparavant.

Le commerce du haschich n’était pas sans risque

C’est ainsi que les coffeeshops se sont concentrés sur le haschich qui était plus facile à dissimuler, plus facile à transporter, plus précieux au gramme, plus fort et plus agréable à fumer. Le hasch blond du Maroc et le noir d’Afghanistan dominaient la scène des coffeeshops.

Bien qu’il n’y ait pas encore de limite à la quantité de cannabis qu’un coffeeshop peut avoir en stock, le commerce du haschich n’était pas sans risque. À Amsterdam, un raid effectué en novembre 1987 au Bulldog a saisi « une grande quantité de haschich » et mené à 30 arrestations.

Ben, quant à lui, avait de grandes quantités de haschich. Il l’utilisait, ainsi que d’impressionnants (pour l’époque) bourgeons de cannabis, pour décorer les présentoirs du Centre d’information sur le cannabis qui venait d’ouvrir à côté de sa boutique de graines. Qu’est-ce qui aurait bien pu aller de travers ? Découvrez-le dans le prochain chapitre !

Chapitre quatre : Hash Plant, 1987

Avant de connaître l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais, je trouvais le nom de Hash Plant un peu étrange pour une variété de cannabis. J’imaginais en souriant une grosse plante verte et buissonnante portant de gros blocs de haschich, estampillés de la marque du fabricant, l’emballage cellophane brillant au soleil comme un fruit mûr de la taille d’une brique. Si seulement c’était aussi simple !

Ceux qui ont étudié les chapitres précédents pourront facilement déduire pourquoi cette imposante variété himalayenne est ainsi nommée. Le haschich est ce dont Ben et ses contemporains, tant aux Pays-Bas qu’aux États-Unis, aimaient par-dessus tout, avant même d’avoir mis les pieds en Asie ; les plantes de haschich — littéralement, les plantes à partir desquelles ce haschich était fabriqué — étaient ce qu’ils recherchaient lorsqu’ils sont arrivés là-bas.

Des plantes de hasch, des plantes de hasch jusqu’à l’horizon

Et les futurs sélectionneurs les ont trouvées. Des vallées et des collines pleines de « plantes de hasch » chargées de trichomes et de terpènes responsables des saveurs et des effets uniques du hasch afghan classique. Ce qui n’était au départ qu’une simple description du plus archétypal de leurs descendants émigrés (« voilà une vraie plante de haschich ») est devenu le nom officiel.

La Hash Plant est arrivée chez Sensi Seeds par l’intermédiaire de Nevil, mais il est difficile de savoir exactement comment Nevil l’a obtenue. Dans son catalogue 1987, la Seed Bank of Holland décrit ses graines de Hash Plant comme le résultat d’un clone de Hash Plant du nord-ouest des États-Unis croisé avec la Northern Lights #1. Alan pense que le clone pourrait provenir de Sam the Skunkman, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’un échange ou d’un cadeau d’un inconnu !

Nevil publiait des annonces dans le High Times, ce qui incitait les gens à se présenter régulièrement chez lui pour discuter et éventuellement, échanger de la génétique sous diverses formes ; peut-être l’une de ces personnes a-t-elle livré la marchandise ? Alan se souvient qu’il s’agissait d’un phénomène courant pendant les années où il a travaillé avec Nevil.

L’année où la Hash Plant est apparue pour la première fois dans un catalogue de la Seed Bank of Holland, le magazine High Times a publié un article consacré à Nevil, à son entreprise et au manoir du XVIIe siècle où il habitait et exploitait son entreprise. Le manoir était surnommé le « Château du cannabis » et Nevil, « l’homme qui deviendrait le roi du cannabis » (ce qui peut surprendre ceux d’entre nous qui se souviennent d’Arjan de la Green House qui revendiquait ce titre dans les années 1990).

Le premier roi du cannabis

L’article avait été rédigé par Steve Hagar, qui est ensuite devenu rédacteur en chef du magazine High Times. Au milieu et à la fin des années 1980, High Times était un guide étendu des drogues récréatives. La cocaïne, le LSD et d’autres substances du même genre étaient largement présentés dans ses pages. Cette situation a changé grâce aux nouveaux rédacteurs en chef Steve Hagar et John Howell. Peut-être inspirés par leurs voyages aux Pays-Bas, ils ont décidé en 1988 d’abandonner toutes les autres drogues pour se concentrer exclusivement sur le cannabis.

L’article a immédiatement fait de Nevil la source la plus publique de génétique de cannabis de qualité pour les gens aux États-Unis. Jusqu’alors, le seul moyen d’obtenir des graines était d’avoir de bonnes relations, ce qui était difficile lorsque les cultivateurs devaient être extrêmement discrets. En effet, leur devise était « ne rien dire, ne rien vendre, ne rien sentir », jamais n’avaient-ils envisagé d’avoir leur nom, leur adresse et des photos de leur culture publiés dans un magazine national !

Introduire la Hash Plant dans les jardins européens et américains

Soudain, il était possible d’envoyer quelques dollars dans une enveloppe et de recevoir en retour un catalogue de produits par la poste. Les commandes de graines qui ont suivi ont mis la Hash Plant à la portée de personnes qui, autrement, n’auraient jamais pu la cultiver. C’était une excellente nouvelle pour les cultivateurs américains, mais les conséquences juridiques pour Nevil ont été très lourdes.

Pendant ce temps, à Amsterdam, Ben avait lui aussi des ennuis judiciaires. Sa boutique de graines, située au cœur de l’effervescent quartier Red Light, se trouvait à côté de ce qui avait été auparavant un entrepôt et un atelier de réparation de bicyclettes. De larges portes à deux battants s’ouvraient sur un espace long, étroit et sans fenêtre, parallèle au magasin. L’absence de fenêtres dégageait plus d’espace d’exposition, l’endroit parfait pour aménager un musée.

L’idée venait d’Ed Rosenthal, l’ami de Ben et cultivateur de cannabis américain qui avait adopté Amsterdam. Il possédait déjà une formidable collection d’objets liés au cannabis et en avait emprunté beaucoup d’autres. Ce serait formidable de les partager avec le public. Le musée a ouvert ses portes officieusement, sans véritable tapage ni fanfare, au milieu des années 80.

Ed, comme Ben, souhaitait diffuser des informations sur la plante et ses utilisations, ce qui se reflète dans le nom d’origine « Cannabis Info Centre » (centre d’information sur le cannabis) ; l’objectif n’était rien de moins que de réhabiliter la plante la plus illégale du monde aux yeux du public.

Poursuivre une tradition de protestation et de provocation

Les grammes et les grammes de cannabis séché et les gros morceaux de haschich dans les étalages ont simplement ajouté une touche supplémentaire de criminalité ludique. Les Provos eux-mêmes auraient été fiers de voir leur héritage ainsi perpétué.

Cependant, le choix d’exposer aussi dans les vitrines des objets utilisés pour la contrebande de haschich — dont la plupart étaient en vente libre, comme des balles de tennis, des cassettes et des godemichés — avec des explications détaillant comment ces objets devaient être utilisés pour enfreindre le droit international, était trop pour le ministre néerlandais de la Justice.

La conférence de presse organisée lors de l’ouverture officielle le 2 avril 1987 a attiré l’attention du conseil municipal et des autorités d’Amsterdam, ainsi que des journalistes. Le ministère de la Justice a fermé le musée le lendemain et a retiré les objets exposés qui contenaient des bourgeons de cannabis et du haschich. Le musée a toutefois rouvert ses portes le lendemain sous le nom de « The Hash Info Museum », qui est ensuite devenu le Hash, Marihuana & Hemp Museum, illustrant à quel point le haschich occupait la place d’honneur !

Dans le monde entier, 1987 est l’année où Aretha Franklin est devenue la première femme à être intronisée au Temple de la renommée du rock and roll. Elle a célébré cet événement en publiant un duo avec George Michael (qui n’est pas étranger au cannabis) qui aurait pu être l’hymne d’un dealer d’herbe : I Knew You Were Waiting (For Me).

Les Beastie Boys, à qui l’on attribue l’introduction de la « conscience stoner dans le hip hop », ainsi que les fans du Hash Info Museum Cypress Hill, sont allés encore plus loin avec (You Gotta) Fight for Your Right (To Party !). Bien qu’elle sonne aujourd’hui comme une comptine, cette chanson simple, criarde et heureuse a été jugée scandaleuse et offensante à l’époque.

L’été des boîtes de conserve

Plutôt que de devoir se battre pour le droit de faire la fête, les habitants de la côte brésilienne n’ont eu qu’à se baigner ou à racler la plage à l’été 1987. Cet événement connu sous le nom de Verão da Lato (l’été des boîtes de conserve) est survenu lorsqu’un navire transportant 22 tonnes de cannabis illicite scellé dans des boîtes de conserve a jeté toute sa cargaison à la mer alors qu’il était poursuivi par les autorités brésiliennes.

On estime à 15 000 le nombre de boîtes de conserve qui se sont joyeusement dirigées vers la côte, portées par les marées comme des poissons métalliques paresseux. Nombre d’entre elles se sont échouées sur les plages, où elles ont été trouvées par des habitants très comblés. Lorsque la nouvelle s’est répandue, pêcheurs, surfeurs et toutes personnes capables de naviguer sur les vagues ont commencé à ramasser les conserves avant qu’elles n’atteignent le rivage. Peu d’entre elles sont parvenues jusqu’à la police ; seulement 2 563 boîtes ont été récupérées.

Dessins animés et cannabis

Le dernier, mais non le moindre des événements marquants de 1987, est les débuts des Simpsons sous la forme d’un court métrage d’animation dans l’émission The Tracey Ullman Show. La série, qui est toujours diffusée aujourd’hui, a abordé les thèmes du cannabis médical et récréatif au cours des 40 années qui ont suivi.

Les Simpsons ont ensuite inspiré une autre série d’animation, American Dad, dont un épisode présente Ben Dronkers comme un pionnier du cannabis. Il y est cité comme l’inventeur de la Gorilla Glue. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une variété Sensi Seeds, grâce aux racines profondes de l’histoire du cannabis néerlandais, la Gorilla Glue partage des ancêtres communs avec la Hash Plant !

La base de données Seedfinder répertorie 45 descendantes directes de la Hash Plant, provenant à la fois de Sensi Seeds et d’autres sélectionneurs recherchant une abondance de résine et des bourgeons surdimensionnés. De l’écurie de Sensi proviennent des classiques old-school comme la Black Domina, et des variétés plus récentes comme la LA Sugar et la Tezla OG, qui montrent combien subsistent leur fierté et leur passion pour la Hash Plant. Mais le plus célèbre de tous les croisements de la Hash Plant est sans aucun doute la Mr Nice.

Quelque chose de bien

Hommage au contrebandier invétéré, auteur et légende galloise Howard Marks, la Mr Nice est un croisement G13 x Hash Plant. La G13 en elle-même est mythique et merveilleuse, même selon les normes de l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais. Il s’agirait d’un clone sorti clandestinement d’un laboratoire du gouvernement américain qui menait des expériences secrètes pour créer du cannabis de qualité militaire.

Alan a quelques doutes à ce sujet, mais admet que c’est possible. Ce qui est certain, c’est que la G13 est toujours présente dans la banque génétique de Sensi Seed. Alan la décrit comme « ayant un aspect étrange et étant une collaboratrice difficile » (une description à laquelle je peux personnellement souscrire) dès qu’il l’a vue pour la première fois. Quarante ans plus tard, elle est encore plus étrange, mais elle est « extraordinaire pour produire des hybrides ».

À l’autre extrême de l’échelle « étrange et collaboratrice difficile », nous avons la variété qui est la vedette du prochain chapitre, et des jardins de tout l’extrême nord du monde. Magnifique et facile à cultiver, même dans les climats les plus froids et les plus humides, la Early Skunk a véritablement révolutionné la culture en plein air. Restez à l’affût pour la suite !

Chapitre cinq : Early Skunk, 1989

Bienvenue en 1989 ! Les tout premiers fournisseurs commerciaux d’accès à l’internet voient le jour. Un humble employé du CERN, Tim Berners-Lee, a un « ta-da ! » et établit le plan du World Wide Web. Le premier essai de modification génétique humaine a lieu et est baptisé « transhumanisme ». Au Japon, les premières émissions analogiques de télévision à haute définition sont diffusées. L’avenir de l’ère spatiale, à la fois annoncé comme une menace et une promesse par la science-fiction des années 1950, est arrivé.

L’année commence avec l’investiture de George H.W. Bush comme président des États-Unis. Bush, le premier, fait preuve d’un manque flagrant d’originalité en poursuivant (entre autres) les politiques ridicules et destructrices de la guerre contre les drogues (certaines en particulier) instaurée par son prédécesseur (qui devait probablement déjà être atteint de la maladie d’Alzheimer lorsqu’il les a mises en œuvre).

L’une de ces mesures était « Operation Green Merchant » (l’opération marchand vert). Le gouvernement américain avait détecté la détermination inébranlable de Nevil Schoenmakers à fournir des graines aux États-Unis. Bien qu’il n’ait pas été le seul à envoyer des graines dans des endroits où la culture du cannabis était interdite, il était sans doute le plus médiatisé des « marchands verts ». Les amateurs de cannabis n’étaient pas les seuls à lire le High Times.

Après avoir pris d’assaut les cultures d’intérieur, la Skunk s’est réinventée en 1989 en tant que variété d’extérieur capable de pousser dans des climats frais aux étés courts et souvent humides. La Early Skunk a été la première itération hybride de Skunk de la Seed Bank of Holland, mais en aucun cas la dernière. Sensi Seeds en a sorti une version féminisée en 2009 et une version autoflorissante en 2017, ce qui a comblé une nouvelle génération de cultivateurs.

La variété de cannabis parfaite pour des conditions de culture imparfaites

Bien des gens diraient qu’elle n’a jamais été battue en tant que variété d’extérieur pour le nord-ouest de l’Europe. En gros, la Early Skunk est résistante à la moisissure, de taille massive et de floraison assez rapide pour récolter ses bourgeons avant la survenue de l’automne du nord-ouest.

Les premières mentions de la Early Skunk dans les catalogues de la Seed Bank of Holland précisent que sa floraison est plus courte de deux semaines que celle de la Skunk #1. Voilà un autre indicateur qui montre à quel point la Skunk a changé le cours de l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais. Comme si, du jour au lendemain, la Skunk devenait la référence par rapport à laquelle tout le reste était mesuré.

La Early Skunk est une parente de variétés primées telles que la Biddy Early de Magus Genetics, ainsi que d’une pléthore de variétés dont le nom contient le mot « Early ». Des rapports anecdotiques indiquant qu’elle a poussé avec succès dans des dunes sur la côte ouest de l’Irlande attestent de sa ténacité.

L’histoire de la sélection du cannabis néerlandais est enchevêtrée avec celle du cannabis américain

Quelle différence les activités de vente par commande postale de la Seed Bank of Holland ont-elles réellement faite aux États-Unis ? Les chiffres du DEA pour 1989 montrent qu’avec le cannabis en provenance du Mexique et de la Colombie, la production nationale était la principale source de l’herbe saisie cette année-là.

Le prix de détail d’une once américaine (28 grammes) de qualité « commerciale » en 1989 se situait entre 20 et 250 dollars (aujourd’hui entre 25 et 640 dollars, ou 23 et 592 euros). La « sinsemilla » coûtait entre 100 et 600 dollars (aujourd’hui entre 256 et 1537 dollars, ou 273 à 1422 euros) pour la même quantité. Un coup d’œil sur les chiffres du même rapport donne une explication simple : les taux de THC du cannabis « commercial » sont systématiquement inférieurs de moitié à ceux de la « sinsemilla ».

Le même rapport du DEA fait état d’une augmentation massive du nombre d’installations de culture intérieure démantelées au cours de la seconde moitié des années 80. Sur l’ensemble de l’année 1984, ce nombre n’était que de 649. En 1989 — environ quatre ans après que Nevil a commencé ses envois postaux de graines — le total s’élevait à 1398.

L’administration Bush était déterminée à prendre Nevil comme exemple pour mettre un terme à la Seed Bank of Holland. Ils étaient loin de se douter que s’ils avaient attendu un peu plus longtemps, Nevil se serait « retiré » du monde du cannabis de son propre chef.

« Il voulait élever des moutons », explique Alan Dronkers en rallumant son joint. Bien qu’Alan n’ait officiellement pris part aux programmes de croisement de cannabis conçus par son père et Nevil qu’en 1990, son implication remonte à quelques années auparavant.

« Après l’école, je m’occupais des plantes de cannabis… »

 « J’allais à l’école, mais après, je m’occupais des plantes de cannabis. À cette époque, mon père avait découvert qu’il était légal de produire des graines de cannabis, de sorte que la loi nous autorisait à faire de la sélection et à créer une entreprise de vente de graines. Nous sommes devenus les pionniers de toute l’industrie. J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs experts qui m’ont enseigné et ont partagé leurs connaissances ».

Avec Ben, Nevil a été l’un des experts qui ont mis Alan sur la voie d’une vie consacrée à l’étude du cannabis, pour éventuellement obtenir doctorat honorifique en la matière. Le cannabis est pour Alan une source inépuisable de fascination, et le croisement en est une composante. Pour Nevil, c’était d’abord et avant tout le croisement qui le fascinait. Le cannabis n’était qu’une des choses qu’il croisait.

Et il a abandonné le croisement du cannabis pour élever des moutons ? « Oui. Bien avant son arrestation, il avait déjà discuté avec mon père de lui vendre toute la section de croisement de cannabis, et ils avaient pris les dispositions nécessaires. Nevil avait investi beaucoup d’argent dans les moutons et il voulait vraiment retourner en Australie pour s’y consacrer ».

La fascination pour l’art du croisement, la vigueur-hybride comme résultat

Alan : « C’était dans la nature de Nevil de s’intéresser à l’élevage. Et pas seulement celui du cannabis, mais aussi chez les chevaux, les moutons, et même les poissons de combat. Il a un jour importé des coqs de combat de Thaïlande aux Pays-Bas. Il trouvait tout simplement intéressant ce que l’on pouvait faire avec la génétique.

Et dès que l’on commence à créer des hybrides, tout devient encore plus intéressant. Avec les chevaux, les coqs ou les poissons. Et absolument avec le cannabis. C’est une passion particulière, et Nevil était tout un phénomène ».

L’obtention de la Early Skunk dérive du croisement de la Skunk #1 et de la Early Pearl, un croisement parfois oublié, mais tout à fait extraordinaire de la Early Girl (The Seed Bank of Holland) et de la Pollyanna (Cultivator’s Choice). En 1989, la deuxième High Times Cannabis Cup a été remportée grâce à ce croisement avec l’autre grande variété sortie cette année-là : la Northern Lights #5 x Haze, la star de notre prochain chapitre.

Comments

2 réflexions sur “Sensi Seeds a 40 ans : racines de l’histoire néerlandaise du cannabis”

  1. Jean Graine

    Merci pour cette publication sur l’histoire de notre banque de graines préférée. Vivement la suite.
    Bonne anniversaire Sensi Seeds.

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Auteur

  • Author_profiles-Red

    Scarlet Palmer

    Scarlet Palmer est une personne non-binaire rédactrice, éditrice et consultante spécialisée en contre-culture du cannabis. Basée à Amsterdam, aux Pays-Bas, Scarlet cumule trois décennies d’expérience et se consacre aujourd’hui à disséminer des faits et raconter des histoires sur cette plante merveilleuse, complexe et vilipendée.
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