Sensi Seeds a 40 ans : racines de l’histoire néerlandaise du cannabis

Ben Dronkers et Sensi Seeds sont synonymes de cannabis de renommée mondiale et des débuts de l’histoire néerlandaise de la sélection du cannabis. Nous explorons ces deux sujets dans notre article en série composés de nouveaux interviews exclusifs et présentant une variété historique chaque mois de 2025, année du 40e anniversaire de Sensi Seeds.

Au sommaire
  1. La plus importante banque de graines de cannabis au monde a 40 ans
  2. Chapitre un : Afghani #1, 1985
  3. Chapitre deux : Northern Lights, 1985
  4. Chapitre trois : Skunk #1, 1987
  5. Chapitre quatre : Hash Plant, 1987
  6. Chapitre cinq : Early Skunk, 1989
  7. Chapitre six : Northern Lights #5 x Haze, 1989
  8. Chapitre sept : Super Skunk
  9. Chapitre huit : Silver Haze (1990)

« Au début, il n’y avait pas de militants, évidemment. Seulement des gens qui aimaient fumer ». Ben Dronkers tire sur un gros joint. Il raconte le passé, mais il philosophe aussi. « Et quand on commence à fumer, on développe un intérêt pour bien d’autres choses, n’est-ce pas ? »

C’est vrai. De l’anthropologie à l’agriculture, le cannabis éveille la curiosité pour une foule de sujets. Depuis combien de temps les humains en consomment-ils ? Quelles sont toutes ses fonctions ? Pourquoi l’a-t-on rendu illégal ? Comment lui redonner sa légalité ? Et – question fondamentale pour le jeune Ben des années 70 – qu’est-ce qui se passe si je croise cette variété avec celle-là ?

Ben expire la fumée, dépose les cendres dans un cendrier antique en laiton de Bornéo. Par la fenêtre, il contemple le passé, quatre décennies qui se sont écoulées sur ce même segment du canal où nous nous trouvons, à Amsterdam. Les bâtiments n’ont pas beaucoup changé après plus de deux siècles, seulement les vitrines des différents commerces, dont le sien. Il sourit.

« Quand j’ai ouvert ma première boutique de graines, je pense que c’était la première vraie au monde. D’autres gens en vendaient par commandes postales, mais ma boutique était la première ayant pignon sur rue. Elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui ».

« Ce qu’elle est aujourd’hui » est Sensi Seeds, après s’être appelée The Sensi Seed Bank, le Sensi Connoisseurs’ Club et la Seed Bank of Holland. L’année 2025 marque le 40e anniversaire depuis que Ben Dronkers a lancé une petite sélection de graines de cannabis. D’abord les ventes se faisaient par la poste, puis en personne dans sa boutique au cœur d’Amsterdam où le Red Light District rencontre un site du patrimoine mondial de l’UNESCO.

La boutique est encore là, ainsi que certaines de variétés old-school originales. Dans le catalogue de graines de cannabis, on retrouve encore la Hash Plant, la Skunk #1, l’Afghani #1, la Early Skunk et la Early Pearl, des variétés aujourd’hui deux fois plus vieilles que certains de leurs cultivateurs. Voilà qui témoigne de leur attrait indémodable, et à ce titre, elles figurent dans les annales de l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais.

La plus importante banque de graines de cannabis au monde a 40 ans

Dans cet article en série, nous explorons douze des variétés de cannabis Sensi Seeds les plus vieilles qui demeurent encore pleinement populaires aujourd’hui. Chaque mois de 2025 mettra une variété à l’honneur, année où la plus importante banque de graines de cannabis a 40 ans.

Ben et sa famille partagent les anecdotes qui parsèment la première décennie de l’entreprise et chacune des variétés, de leur élaboration à leurs effets. Nous regardons ce qui a marqué leur année de lancement – dans quelle sorte de monde ces variétés révolutionnaires ont-elles vu le jour ? Et dans un présent tourné vers l’avenir, quelles variétés permettent-elles de créer ?

Ne manquez pas un article de cette série mensuelle, et partagez vos souvenirs en commentaires !

Chapitre un : Afghani #1, 1985

Ce n’est pas tout le monde qui aime l’Afghani #1. Environ 20 ans après sa sortie, un jeune Français est entré dans la banque de graines Sensi en déclarant qu’elle était littéralement non fumable. C’était l’époque où les variétés sucrées et fruitées étaient populaires. Le funk piquant et humide de l’herbe afghane originale était peut-être trop intense pour certains.

Mais lorsqu’un puriste voulait une indica traditionnelle de l’Himalaya, l’Afghani #1 était ce qui s’en rapprochait le plus. Lorsqu’un touriste voulait de la « bonne herbe old-school comme on en fumait dans les années 70 », l’Afghani #1 faisait l’affaire.

Lorsqu’un sélectionneur amateur passe une heure à discuter des détails de ce qu’il veut obtenir (vendre des graines de cannabis est parfois un processus lent et collaboratif, pensons à un mécanicien et un pilote de course qui examinent les besoins et les possibilités d’une voiture), c’est l’Afghani #1 qui est le moteur de la réussite.

Elle est si bonne que tout ça est encore le cas aujourd’hui. L’Afghani #1 de Sensi Seeds est citée comme l’ancêtre directe d’au moins 51 variétés enregistrées sur Seed Finder. Le nombre réel de ses descendantes est inconnu, mais sans aucun doute massif.

Afghani #1 : moteur de la réussite

Ce qui est encore plus impressionnant, c’est le nombre de personnes qui en ont acheté des graines. L’Afghani #1 Régulière a été en vente sans interruption depuis son lancement en 1985. D’abord par commande postale, puis dans un nombre toujours croissant de boutiques, et enfin en ligne après le lancement de sensiseeds.com, le premier site web d’une entreprise de graines de cannabis, en 1996.

Pourquoi avoir commencé par l’Afghani #1 ? C’est simple : c’est la variété à partir de laquelle l’un des types de haschich préférés de Ben a été fabriqué. Au cours de la décennie qui a précédé le lancement du Sensi Connoisseurs’ Club, de la Seed Bank of Holland et du Super Sativa Seed Club – les membres fondateurs de l’histoire néerlandaise de la sélection du cannabis – la situation du cannabis néerlandais cultivé à domicile était en effet très mauvaise. Les produits importés dominaient la scène naissante des « coffeeshops ».

Ravi, le fils de Ben, qui travaille également pour l’entreprise, poursuit l’histoire : « Les gens fumaient de l’herbe thaïlandaise, colombienne et jamaïcaine. Tout était importé. Il y avait aussi du hasch libanais, du marocain, du népalais et surtout de l’afghan. Peu de gens fumaient les variétés hollandaises.

Il y avait des variétés comme la Willem’s Wonder et la Holland’s Hoop (aujourd’hui connue sous le nom de Holland’s Hope), qui faisaient partie des premières variétés de graines du Super Sativa Seed Club, mais elles n’étaient pas vraiment fumées. La culture du cannabis aux Pays-Bas n’est apparue que plus tard. »

Un ‘sandwich Afghan’

À cette époque, Ben – comme bien des gens qui testaient les limites de la tolérance naissante du gouvernement néerlandais dans les années 1970 – menait ses opérations cannabiques principalement sous le radar. À Rotterdam, il avait un magasin de sandwich où il vendait un ‘broodje Afghaan’, littéralement, un sandwich afghan ; un fin mets composé d’un sandwich ordinaire accompagné d’un morceau de hasch afghan.

Lors de ses voyages, Ben voulait naturellement voir où était produit son haschich préféré, et connaître la plante de laquelle il provenait. C’est à ce moment que les cultivateurs lui ont suggéré de rapporter quelques graines.

L’Afghani #1 figurait dans le tout premier catalogue du Sensi Seed Club en 1985. Alors âgé de 9 ans, Ravi avait vu de ses propres yeux d’où provenait l’Afghani #1 :

« L’un des premiers souvenirs que j’ai, c’est d’avoir été en Afghanistan quand j’étais un petit garçon. Mon père voulait des photos avec les moudjahidines. L’une d’entre elles a été utilisée dans le catalogue. Je ne sais pas si j’étais là quand cette photo a été prise, mais il y a des photos de moi en Afghanistan, un petit garçon aux cheveux blonds, et c’était juste au début de toute cette histoire ».

Depuis ces débuts révolutionnaires discrets, elle a été utilisée dans des variétés primées telles que la Runtz et la Wedding Cake. Les bases de données en ligne sur l’histoire de la sélection du cannabis en attestent d’innombrables autres, sans compter tous les croisements par des amateurs experts qui demeurent des légendes locales.

Naturellement, les sélectionneurs de Sensi Seeds l’utilisent encore eux-mêmes. Il est indéniable que l’Afghani #1 a eu, et continue d’avoir, un impact durable sur le monde du cannabis.

Des effets durables

En 1985, bien des choses se produisaient et 40 ans plus tard, continuent d’avoir un effet. Le Nintendo Entertainment System sortait en Amérique du Nord ; l’Afrique du Sud mettait un terme à l’interdiction des mariages interraciaux ; les scientifiques du British Antarctic Survey annonçaient la découverte d’un trou dans la couche d’ozone, sonnant pour la toute première fois l’alarme d’une crise climatique. À Tokyo, Studio Ghibli (créateur de tant de films adorés des stoners) voyait le jour.

Mais l’Afghani #1 n’est pas la seule variété qui a bouleversé le monde et qui a fait ses débuts en tant que variété offerte en graines en 1985. Le sujet de notre prochain chapitre a remporté un nombre incroyable de prix et est aussi magnifique que son homonyme. Savez-vous de qui il s’agit ? Devinez-le dans les commentaires et restez à l’affût du prochain chapitre pour savoir si vous avez raison !

Cet article en série sur l’histoire néerlandaise de la sélection du cannabis et de Sensi Seeds est mis à jour périodiquement au cours de l’année 2025. Surveillez nos médias sociaux et revenez ici régulièrement pour ne rien manquer !

Chapitre deux : Northern Lights, 1985

La Northern Lights est au cannabis ce que les Rolling Stones sont à la musique. Une herbe toujours aussi géniale, qui a la capacité de surprendre et de dynamiser son public bien qu’elle ait apparemment existé depuis toujours. La vieille blague pourrait être facilement étendue : après l’apocalypse, il ne restera plus que les cafards, Keith Richards et la Northern Lights (au bonheur de Keith).

Elle a été échantillonnée et remixée. Les nouveaux venus la citent comme une influence. C’est une géante qui tient facilement sa place aux côtés de superstars plus récentes telles que la Zkittlez (qui compte la Northern Lights #1 comme l’une de ses ancêtres) et les représentantes de la famille Cookie.

Le nom Northern Lights est aujourd’hui tellement synonyme de cannabis qu’il faut se demander pourquoi on l’a appelé ainsi à l’origine. À l’époque, le cannabis était nommé soit en fonction de sa localisation géographique d’origine (thaïlandaise, mexicaine, toute une série de vallées dans la région de l’Himalaya), soit en fonction de son odeur (Skunk).

Mais certaines ont été nommées en raison de leur apparence, et une version de l’origine du nom Northern Lights repose sur le magnifique chatoiement d’un vert vif parsemé de notes violettes et bleues que développent les fleurs les plus mûres.

Une autre version de l’histoire veut que cette herbe cultivée à l’origine était si forte qu’elle provoquait des effets visuels semblables à ceux d’une aurore boréale.

Alors que Ben a ramené l’Afghani #1 originale aux Pays-Bas sous forme de graines « traditionnelles », l’autre variété de cannabis absolument puissante née en 1985 a été créée dans le nord-ouest du Pacifique et stabilisée par un groupe de sélectionneurs connu sous le nom de Northern Lights Crew.

Au début des années 80, Nevil Schoenmakers, un autre sélectionneur qui devint légendaire, a obtenu des graines de l’un d’entre eux. Seattle Greg, comme on l’appelle, est un sélectionneur qui travaille encore aujourd’hui avec Sensi Seeds. Alan, le fils aîné de Ben (aujourd’hui docteur honoraire en cannabis), se souvient : « Il y a eu quelques connaissances très précieuses. Greg est arrivé avec tout un tas de graines étiquetées #1, #2, #3 et ainsi de suite. »

Un tour de force primé

La Northern Lights est devenue célèbre presque immédiatement après son lancement aux Pays-Bas et reste l’une des variétés traditionnelles les plus appréciées au monde.

Quatre ans après ses débuts en Europe, la variété #5 a remporté la Cannabis Cup 1989. Ce fut le début d’un tour de force pour l’hybride afghane x thaïlandaise, qui allait dominer les compétitions comme jamais auparavant. Seule la sortie de la Jack Herer, elle-même descendante de la puissante Northern Lights, a freiné sa trajectoire de comète.

Elle a même été citée dans le livre révolutionnaire Marijuana : The Forbidden Medicine du Dr Lester Grinspoon. « La Northern Lights reste l’une des variétés les plus fiables et les plus puissantes disponibles », écrit le professeur émérite de Harvard en 2003. Trois ans plus tard, Sensi Seeds sortait finalement une version féminisée, suivie d’une version à autofloraison en 2013. Ces deux variantes ont été récompensées à plusieurs reprises.

La fondation de classiques modernes dans l’histoire du cannabis aux Pays-Bas

La Northern Lights a connu plusieurs itérations au fil des ans. La #5 est peut-être la plus connue, en partie grâce à sa descendance presque aussi célèbre, la NL#5 x Haze. Cependant, les #1 et #2 ont gagné en popularité ces dernières années, et ces trois versions apparaissent dans des classiques modernes tels que la Mimosa, la Purple Punch et l’Apple Fritter.

Époque sombre pour les États-Unis

La seconde moitié de 1985 aux États-Unis a été marquée par Ronald Reagan qui continuait à ignorer à la fois la futilité de sa soi-disant guerre contre la drogue et l’ampleur terrifiante de l’épidémie de SIDA dans le pays qu’il était chargé de protéger. En octobre, lorsque Reagan signe la Anti-Drug Abuse Act, on estime à plus de 13 000 les personnes décédées du sida aux États-Unis depuis 1980. Reagan n’a pas évoqué publiquement le sida avant septembre 1985.

Cette négligence criminelle combinée à la campagne grotesque de sa femme Nancy « Just Say No », a causé la destruction de la vie de centaines de milliers de personnes dont le seul crime était d’apprécier des plaisirs considérés comme trop éloignés du courant dominant pour justifier des soins ou de la dignité.

À Amsterdam en 1985, où Ben ouvrira une boutique l’année suivante, la scène des coffeeshops était déjà bien établie. En plus d’être l’année où l’Afghani #1, la Northern Lights et le Sensi Seed Club ont fait leurs débuts, 1985 a également été l’année du 10e anniversaire du coffeeshop Bulldog original.

Persistance et détermination pour des changements durables

On croit à tort que les lois néerlandaises ont été modifiées pour ouvrir la voie aux coffeeshops, de la même manière que la législation adoptée par les États américains a permis l’ouverture de dispensaires. C’est tout le contraire. C’est la détermination persistante et cohérente des fondateurs de coffeeshops refusant d’arrêter de vendre de l’herbe et du hasch avec du thé et du café qui a ouvert la voie à la modification de la législation.

Suivant les traces de premiers militants néerlandais pour le cannabis comme Robert-Jasper Grootveld et Kees Hoekert de la Lowlands Weed Company, des gens comme Ben et Henk de Vries des coffeeshops Bulldog ont résisté à de multiples arrestations et ont continué à aller de l’avant.

Lorsque Ben a appris que la vente de graines de cannabis était totalement légale en vertu de la législation néerlandaise, son activité a changé, passant de la production de bourgeons à la production de graines. En tant qu’entrepreneur marié et père de quatre enfants en âge scolaire, il n’avait pas beaucoup de temps libre. Cependant, ses courts séjours en prison – le plus long ayant été de six semaines – lui ont donné l’occasion de faire ses recherches.

La prison, l’occasion d’étudier

Ben : « Lors de mon dernier séjour en prison, j’ai vraiment étudié l’Opiumwet, la loi sur les drogues. J’y ai lu que toutes les parties de la plante étaient interdites, à l’exception des graines. À ma sortie, je suis donc allé voir un célèbre avocat spécialisé dans l’agriculture. Je lui ai demandé : “Si les graines ne sont pas interdites, pourquoi ne puis-je pas les cultiver ?”

Il m’a répondu : “C’est une bonne question. Revenez dans quelques semaines”. Je lui ai versé beaucoup d’argent, je crois que c’était 6000 florins à l’époque [environ 7000 euros aujourd’hui – S.]. Deux semaines plus tard, je suis retourné à son bureau et il m’a dit : « Oui, je pense que vous pouvez. Il ne devrait pas y avoir d’objection à cela si vous ne faites que cultiver les graines ».

Alors je m’y suis mis. J’ai ouvert la boutique à Amsterdam et j’ai été voir un célèbre semencier néerlandais, Pieterpik, qui vendait des graines aux touristes – tournesols, tulipes, etc. – et j’en ai achetées beaucoup puis j’ai ouvert une boutique de graines », révèle-t-il avec un grand sourire.

Caché à la vue de tous

« Je savais qu’il serait trop suspect si j’ouvrais une boutique ne vendant que des graines de cannabis ! Je vendais donc toutes sortes de graines, mais j’avais aussi une grande section réservée aux graines de cannabis. C’est rapidement devenu connu de tous, et tout le monde est venu.

Il faut savoir qu’à l’époque, personne ou presque ne cultivait de cannabis. À ce moment, on ignorait qu’il était possible de cultiver de la marijuana, et surtout aux Pays-Bas avec son climat froid et moins qu’idéal. Mais je l’avais fait dans ma jeunesse dans un petit grenier avec un ami. Nous avions fait un tipi avec des tubes fluorescents, et avions placé la plante au milieu, ça avait fonctionné.

À partir de là, j’ai commencé à le faire dans une petite serre, et ça a marché, puis je me suis fait prendre à nouveau, et encore… et puis j’ai ouvert la boutique de graines, parce que c’était une bonne façon d’utiliser mon énergie ».

Peu après l’ouverture du magasin de graines, Ben a entamé une relation d’affaires avec un autre pionnier du cannabis, Nevil Schoenmakers. Cette collaboration a changé le visage de l’histoire de la sélection du cannabis aux Pays-Bas, tout comme la variété présentée dans le prochain chapitre de cet article !

Chapitre trois : Skunk #1, 1987

En mars 1987, le monde commençait à réaliser que les années quatre-vingt tiraient à leur fin et qu’il fallait faire preuve de maturité. Pour la génération X, les années soixante-dix semblaient être un lointain passé, tandis que les baby-boomers ne semblaient pouvoir accepter que cette décennie était terminée.

Les pays occidentaux riches délaissaient quelque peu le cannabis en tant que drogue récréative. C’était l’époque où l’on gagnait beaucoup d’argent, où l’on célébrait les biens matériels et où l’on portait des vestons avec de gigantesques épaulettes. Le cannabis rappelait trop les hippies, l’amour libre et les vieux en ponchos multicolores. En outre, il n’était généralement pas de très bonne qualité.

L’arrivée de variétés Skunk a tout changé.

La fascination commune de Nevil et Ben pour la collecte de nouvelles génétiques de cannabis a été renforcée par l’arrivée de variétés Skunk en provenance des États-Unis.

Cet épisode a été raconté en détail ailleurs sur notre blogue. Comme c’est souvent le cas dans l’histoire de la sélection du cannabis aux Pays-Bas, les origines générales font plus ou moins consensus et les détails sont souvent contestés (ce qui, quoi qu’on en pense, rend les choses intéressantes). L’interview de Sam the Skunkman est un excellent point de départ pour l’histoire de la Skunk #1.

Sam a fourni des graines de Skunk #1 à une poignée de sélectionneurs d’Amsterdam, dont Nevil. Après quelques ajustements, Nevil l’a lancée comme variété sous forme de graines dans le catalogue de 1987 de la Seed Bank of Holland. Sans le savoir, Nevil venait de changer le cours de l’histoire de la sélection du cannabis aux Pays-Bas.

À cette époque, Ben vendait les graines de Nevil aux côtés des siennes dans la boutique du Sensi Connoisseurs’ Club. La rumeur continuait à se répandre que les graines de cannabis étaient disponibles gratuitement dans ce pays. Nevil a commencé à faire de la publicité dans le magazine High Times. Ben jonglait entre les exigences de son entreprise en pleine croissance et celles de sa famille qui s’agrandissait : « Je travaillais comme un fou, mais nous prenions de longues vacances ! »

Les Skunk ont connu un tel succès en culture intérieure qu’elles étaient croisées avec presque tout, et c’est probablement la variété qui a le plus de descendants portant son nom. À elle seule, Sensi Seeds en propose une vingtaine de variantes. En 2007, une version féminisée de la Skunk #1 originale a été commercialisée ; une version à autofloraison a suivi en 2013. D’autres banques de graines ont rapidement emboîté le pas. Chaque nouvelle génération d’hybrides a produit des variétés stellaires créées à partir de la Skunk #1 : Papaya, Mimosa, Apple Fritter et Blue Dream ne sont que quelques exemples.

La High Times Cannabis Cup oubliée

La Skunk #1 a gagné la première High Times Cannabis Cup, qui s’est tenue à Amsterdam en 1988 : c’est un fait reconnu largement diffusé. Or, ce qui est moins connu – en fait, ce que seulement une poignée de personnes savaient avant la publication de cet article – c’est que selon Ben, la toute première High Times Cannabis Cup s’est plutôt tenue en 1987. Et la Skunk #1 l’a aussi gagnée !

Ben : « C’était en 1987. J’avais un petit restaurant à Rotterdam qui s’appelait Yum Yum. Je connaissais déjà Nevil. L’idée pour le High Times venait d’Ed Rosenthal, il n’avait que 600 dollars pour créer un événement ! Nous l’avons donc organisé dans mon restaurant. C’était la première Cannabis Cup. Je n’ai pas gagné de prix », rigole-t-il.

Kees Hoekert et Robert-Jasper Grootveld, les deux pionniers de la scène cannabique d’Amsterdam, étaient présents. Ils ne vendaient pas de graines de marijuana, mais des plantes et des graines de chanvre sur un radeau [le Witte Raaf, à partir duquel ils opéraient la Lowlands Weed Company – S.]. De petits plants de chanvre pour un florin chacun. Des types sympas, vraiment sympas, je les adorais.

Ed Rosenthal et moi étions là, il y avait environ trois concurrents et cinq juges, et c’est ainsi que l’American Cannabis Cup a vu le jour. Plus tard, c’est devenu… » D’un geste il décrit le mouvement d’une grande roue.

Presque tous ceux qui lisent ces lignes savent que la Cannabis Cup est devenue un événement de plus en plus important et de plus en plus grand public. Les premières années, la législation américaine empêchait les organisateurs d’organiser chez eux cette orgie de trois jours consacrée à l’horticulture récréative. Amsterdam, avec ses centaines de coffeeshops et son infrastructure touristique parfaitement rodée, était idéale.

Cette situation s’est progressivement modifiée avec le lent mais constant changement de la marée verte. Bien que le président américain Ronald Reagan et sa femme Nancy aient tout fait pour prétendre que le cannabis était mortel et que le sida n’existait pas, des gens comme Brownie Mary ont exposé leurs mensonges, un produit comestible à la fois.

Les efforts déployés par la communauté homosexuelle pendant la crise du sida pour légaliser le cannabis thérapeutique ont amorcé un changement encore en cours aujourd’hui (et vous pouvez être certain qu’une bonne partie de cette herbe médicinale était liée à la Skunk #1). Mais alors que la législation nord-américaine s’est élargie pour inclure l’usage récréatif et médicinal, la législation néerlandaise s’est resserrée.

Une porte s’ouvre, une autre se ferme

Le nombre de coffeeshops à Amsterdam a considérablement diminué. Les lois antitabac dans les lieux publics ne permettaient plus de fermer les yeux sur les personnes qui fumaient également un joint. Organiser un événement cannabique aux États-Unis, où le cadre juridique de la consommation de cannabis est clairement défini, est devenu plus facile que de le faire aux Pays-Bas, où la politique hétérogène de tolérance ne fait que créer des zones grises dépénalisées.

La situation est si ambiguë qu’en 2013, lors de la 26e édition de la High Times Cannabis Cup organisée aux Pays-Bas, Ben a été réprimandé par la sécurité pour avoir distribué de l’herbe gratuitement. Ironie du sort, c’est ce même jour qu’il a été intronisé au Cannabis Cup Hall of Fame.

La Skunk se taille une place bien à elle

« Skunk » est devenu synonyme de « cannabis » que ne peuvent qu’envier les autres variétés – même la diva verte du mois dernier, la Northern Lights. L’envers de la médaille de sa si grande célébrité, en particulier dans les médias grand public, est qu’elle est régulièrement décrite comme une sorte d’herbe tellement forte que ce n’est même plus du cannabis.

Dans d’autres cercles, le terme signifie simplement du cannabis de bonne qualité. Le service d’assistance téléphonique britannique « Talk to Frank » décrit l’« herbe » comme étant de couleur vert brunâtre et « pouvant ressembler à des herbes séchées » ; la « Skunk », en revanche, est « de couleur vert vif, pâle ou foncé, et recouverte de minuscules cristaux ». Frank semble ignorer qu’il s’agit de la même espèce et n’a manifestement jamais cultivé de cannabis. Même une petite expérience pratique montre que l’environnement de culture joue un rôle énorme dans l’aspect du résultat final, en particulier dans le climat moins qu’idéal du Royaume-Uni.

Les Pays-Bas sont confrontés à des défis similaires en matière de culture extérieure. Lorsque la Skunk #1 a été lancée ici en 1987, il y avait très peu d’herbe de bonne qualité disponible, malgré la scène florissante des coffeeshops.

Le cannabis néerlandais cultivé à la maison n’était pas raffiné ; il devait consacrer toute son énergie à la survie plutôt qu’au développement de belles fleurs. Il y avait des variétés d’extérieur telles que la Willem’s Wonder et la Holland’s Hoop (rebaptisée plus tard Holland’s Hope) ; hoop signifiant « espoir » et wonder « miracle », on voit à quel point il était difficile de cultiver avec succès du cannabis dans un jardin néerlandais. Elles rappelaient plutôt l’histoire glorieuse des Pays-Bas en tant que nation productrice de chanvre industriel et non de potentiels vainqueurs de Cannabis Cups.

Alan résume ainsi la situation : « Beaucoup de variétés n’étaient pas bonnes. Aux Pays-Bas, les hippies ne cultivaient que des graines de chanvre. C’est pourquoi, dans un premier temps, les variétés rapportées par Sam the Skunkman semblaient enfin probantes. Elles provenaient vraiment des États-Unis jusqu’aux Pays-Bas ».

Il rit en se souvenant de l’impression qu’il a eue des nouvelles variétés. « J’étais très jeune, mais je me souviens de la première fois – naturellement, je ne l’ai jamais oubliée – lorsque mon père m’a montré ce premier petit bourgeon vert ». Quel changement cela a dû être des fleurs brunâtres, semblables à du chanvre, auxquelles Alan était habitué.

Le cannabis importé ne valait guère mieux que les variétés traditionnelles néerlandaises cultivées en plein air. Celui-ci était rapidement séché, compressé en briques fibreuses et dissimulé dans diverses cachettes non ventilées avant d’être acheminé vers les Pays-Bas, atterrissant généralement à Rotterdam, la ville natale de Ben. Certaines briques provenaient d’anciennes conquêtes coloniales néerlandaises, comme l’Indonésie, empruntant la même route que les épices, le café et l’opium quelques centaines d’années auparavant.

Le commerce du haschich n’était pas sans risque

C’est ainsi que les coffeeshops se sont concentrés sur le haschich qui était plus facile à dissimuler, plus facile à transporter, plus précieux au gramme, plus fort et plus agréable à fumer. Le hasch blond du Maroc et le noir d’Afghanistan dominaient la scène des coffeeshops.

Bien qu’il n’y ait pas encore de limite à la quantité de cannabis qu’un coffeeshop peut avoir en stock, le commerce du haschich n’était pas sans risque. À Amsterdam, un raid effectué en novembre 1987 au Bulldog a saisi « une grande quantité de haschich » et mené à 30 arrestations.

Ben, quant à lui, avait de grandes quantités de haschich. Il l’utilisait, ainsi que d’impressionnants (pour l’époque) bourgeons de cannabis, pour décorer les présentoirs du Centre d’information sur le cannabis qui venait d’ouvrir à côté de sa boutique de graines. Qu’est-ce qui aurait bien pu aller de travers ? Découvrez-le dans le prochain chapitre !

Chapitre quatre : Hash Plant, 1987

Avant de connaître l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais, je trouvais le nom de Hash Plant un peu étrange pour une variété de cannabis. J’imaginais en souriant une grosse plante verte et buissonnante portant de gros blocs de haschich, estampillés de la marque du fabricant, l’emballage cellophane brillant au soleil comme un fruit mûr de la taille d’une brique. Si seulement c’était aussi simple !

Ceux qui ont étudié les chapitres précédents pourront facilement déduire pourquoi cette imposante variété himalayenne est ainsi nommée. Le haschich est ce dont Ben et ses contemporains, tant aux Pays-Bas qu’aux États-Unis, aimaient par-dessus tout, avant même d’avoir mis les pieds en Asie ; les plantes de haschich — littéralement, les plantes à partir desquelles ce haschich était fabriqué — étaient ce qu’ils recherchaient lorsqu’ils sont arrivés là-bas.

Des plantes de hasch, des plantes de hasch jusqu’à l’horizon

Et les futurs sélectionneurs les ont trouvées. Des vallées et des collines pleines de « plantes de hasch » chargées de trichomes et de terpènes responsables des saveurs et des effets uniques du hasch afghan classique. Ce qui n’était au départ qu’une simple description du plus archétypal de leurs descendants émigrés (« voilà une vraie plante de haschich ») est devenu le nom officiel.

La Hash Plant est arrivée chez Sensi Seeds par l’intermédiaire de Nevil, mais il est difficile de savoir exactement comment Nevil l’a obtenue. Dans son catalogue 1987, la Seed Bank of Holland décrit ses graines de Hash Plant comme le résultat d’un clone de Hash Plant du nord-ouest des États-Unis croisé avec la Northern Lights #1. Alan pense que le clone pourrait provenir de Sam the Skunkman, mais il pourrait tout aussi bien s’agir d’un échange ou d’un cadeau d’un inconnu !

Nevil publiait des annonces dans le High Times, ce qui incitait les gens à se présenter régulièrement chez lui pour discuter et éventuellement, échanger de la génétique sous diverses formes ; peut-être l’une de ces personnes a-t-elle livré la marchandise ? Alan se souvient qu’il s’agissait d’un phénomène courant pendant les années où il a travaillé avec Nevil.

L’année où la Hash Plant est apparue pour la première fois dans un catalogue de la Seed Bank of Holland, le magazine High Times a publié un article consacré à Nevil, à son entreprise et au manoir du XVIIe siècle où il habitait et exploitait son entreprise. Le manoir était surnommé le « Château du cannabis » et Nevil, « l’homme qui deviendrait le roi du cannabis » (ce qui peut surprendre ceux d’entre nous qui se souviennent d’Arjan de la Green House qui revendiquait ce titre dans les années 1990).

Le premier roi du cannabis

L’article avait été rédigé par Steve Hagar, qui est ensuite devenu rédacteur en chef du magazine High Times. Au milieu et à la fin des années 1980, High Times était un guide étendu des drogues récréatives. La cocaïne, le LSD et d’autres substances du même genre étaient largement présentés dans ses pages. Cette situation a changé grâce aux nouveaux rédacteurs en chef Steve Hagar et John Howell. Peut-être inspirés par leurs voyages aux Pays-Bas, ils ont décidé en 1988 d’abandonner toutes les autres drogues pour se concentrer exclusivement sur le cannabis.

L’article a immédiatement fait de Nevil la source la plus publique de génétique de cannabis de qualité pour les gens aux États-Unis. Jusqu’alors, le seul moyen d’obtenir des graines était d’avoir de bonnes relations, ce qui était difficile lorsque les cultivateurs devaient être extrêmement discrets. En effet, leur devise était « ne rien dire, ne rien vendre, ne rien sentir », jamais n’avaient-ils envisagé d’avoir leur nom, leur adresse et des photos de leur culture publiés dans un magazine national !

Introduire la Hash Plant dans les jardins européens et américains

Soudain, il était possible d’envoyer quelques dollars dans une enveloppe et de recevoir en retour un catalogue de produits par la poste. Les commandes de graines qui ont suivi ont mis la Hash Plant à la portée de personnes qui, autrement, n’auraient jamais pu la cultiver. C’était une excellente nouvelle pour les cultivateurs américains, mais les conséquences juridiques pour Nevil ont été très lourdes.

Pendant ce temps, à Amsterdam, Ben avait lui aussi des ennuis judiciaires. Sa boutique de graines, située au cœur de l’effervescent quartier Red Light, se trouvait à côté de ce qui avait été auparavant un entrepôt et un atelier de réparation de bicyclettes. De larges portes à deux battants s’ouvraient sur un espace long, étroit et sans fenêtre, parallèle au magasin. L’absence de fenêtres dégageait plus d’espace d’exposition, l’endroit parfait pour aménager un musée.

L’idée venait d’Ed Rosenthal, l’ami de Ben et cultivateur de cannabis américain qui avait adopté Amsterdam. Il possédait déjà une formidable collection d’objets liés au cannabis et en avait emprunté beaucoup d’autres. Ce serait formidable de les partager avec le public. Le musée a ouvert ses portes officieusement, sans véritable tapage ni fanfare, au milieu des années 80.

Ed, comme Ben, souhaitait diffuser des informations sur la plante et ses utilisations, ce qui se reflète dans le nom d’origine « Cannabis Info Centre » (centre d’information sur le cannabis) ; l’objectif n’était rien de moins que de réhabiliter la plante la plus illégale du monde aux yeux du public.

Poursuivre une tradition de protestation et de provocation

Les grammes et les grammes de cannabis séché et les gros morceaux de haschich dans les étalages ont simplement ajouté une touche supplémentaire de criminalité ludique. Les Provos eux-mêmes auraient été fiers de voir leur héritage ainsi perpétué.

Cependant, le choix d’exposer aussi dans les vitrines des objets utilisés pour la contrebande de haschich — dont la plupart étaient en vente libre, comme des balles de tennis, des cassettes et des godemichés — avec des explications détaillant comment ces objets devaient être utilisés pour enfreindre le droit international, était trop pour le ministre néerlandais de la Justice.

La conférence de presse organisée lors de l’ouverture officielle le 2 avril 1987 a attiré l’attention du conseil municipal et des autorités d’Amsterdam, ainsi que des journalistes. Le ministère de la Justice a fermé le musée le lendemain et a retiré les objets exposés qui contenaient des bourgeons de cannabis et du haschich. Le musée a toutefois rouvert ses portes le lendemain sous le nom de « The Hash Info Museum », qui est ensuite devenu le Hash, Marihuana & Hemp Museum, illustrant à quel point le haschich occupait la place d’honneur !

Dans le monde entier, 1987 est l’année où Aretha Franklin est devenue la première femme à être intronisée au Temple de la renommée du rock and roll. Elle a célébré cet événement en publiant un duo avec George Michael (qui n’est pas étranger au cannabis) qui aurait pu être l’hymne d’un dealer d’herbe : I Knew You Were Waiting (For Me).

Les Beastie Boys, à qui l’on attribue l’introduction de la « conscience stoner dans le hip hop », ainsi que les fans du Hash Info Museum Cypress Hill, sont allés encore plus loin avec (You Gotta) Fight for Your Right (To Party !). Bien qu’elle sonne aujourd’hui comme une comptine, cette chanson simple, criarde et heureuse a été jugée scandaleuse et offensante à l’époque.

L’été des boîtes de conserve

Plutôt que de devoir se battre pour le droit de faire la fête, les habitants de la côte brésilienne n’ont eu qu’à se baigner ou à racler la plage à l’été 1987. Cet événement connu sous le nom de Verão da Lato (l’été des boîtes de conserve) est survenu lorsqu’un navire transportant 22 tonnes de cannabis illicite scellé dans des boîtes de conserve a jeté toute sa cargaison à la mer alors qu’il était poursuivi par les autorités brésiliennes.

On estime à 15 000 le nombre de boîtes de conserve qui se sont joyeusement dirigées vers la côte, portées par les marées comme des poissons métalliques paresseux. Nombre d’entre elles se sont échouées sur les plages, où elles ont été trouvées par des habitants très comblés. Lorsque la nouvelle s’est répandue, pêcheurs, surfeurs et toutes personnes capables de naviguer sur les vagues ont commencé à ramasser les conserves avant qu’elles n’atteignent le rivage. Peu d’entre elles sont parvenues jusqu’à la police ; seulement 2 563 boîtes ont été récupérées.

Dessins animés et cannabis

Le dernier, mais non le moindre des événements marquants de 1987, est les débuts des Simpsons sous la forme d’un court métrage d’animation dans l’émission The Tracey Ullman Show. La série, qui est toujours diffusée aujourd’hui, a abordé les thèmes du cannabis médical et récréatif au cours des 40 années qui ont suivi.

Les Simpsons ont ensuite inspiré une autre série d’animation, American Dad, dont un épisode présente Ben Dronkers comme un pionnier du cannabis. Il y est cité comme l’inventeur de la Gorilla Glue. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une variété Sensi Seeds, grâce aux racines profondes de l’histoire du cannabis néerlandais, la Gorilla Glue partage des ancêtres communs avec la Hash Plant !

La base de données Seedfinder répertorie 45 descendantes directes de la Hash Plant, provenant à la fois de Sensi Seeds et d’autres sélectionneurs recherchant une abondance de résine et des bourgeons surdimensionnés. De l’écurie de Sensi proviennent des classiques old-school comme la Black Domina, et des variétés plus récentes comme la LA Sugar et la Tezla OG, qui montrent combien subsistent leur fierté et leur passion pour la Hash Plant. Mais le plus célèbre de tous les croisements de la Hash Plant est sans aucun doute la Mr Nice.

Quelque chose de bien

Hommage au contrebandier invétéré, auteur et légende galloise Howard Marks, la Mr Nice est un croisement G13 x Hash Plant. La G13 en elle-même est mythique et merveilleuse, même selon les normes de l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais. Il s’agirait d’un clone sorti clandestinement d’un laboratoire du gouvernement américain qui menait des expériences secrètes pour créer du cannabis de qualité militaire.

Alan a quelques doutes à ce sujet, mais admet que c’est possible. Ce qui est certain, c’est que la G13 est toujours présente dans la banque génétique de Sensi Seed. Alan la décrit comme « ayant un aspect étrange et étant une collaboratrice difficile » (une description à laquelle je peux personnellement souscrire) dès qu’il l’a vue pour la première fois. Quarante ans plus tard, elle est encore plus étrange, mais elle est « extraordinaire pour produire des hybrides ».

À l’autre extrême de l’échelle « étrange et collaboratrice difficile », nous avons la variété qui est la vedette du prochain chapitre, et des jardins de tout l’extrême nord du monde. Magnifique et facile à cultiver, même dans les climats les plus froids et les plus humides, la Early Skunk a véritablement révolutionné la culture en plein air. Restez à l’affût pour la suite !

Chapitre cinq : Early Skunk, 1989

Bienvenue en 1989 ! Les tout premiers fournisseurs commerciaux d’accès à l’internet voient le jour. Un humble employé du CERN, Tim Berners-Lee, a un « ta-da ! » et établit le plan du World Wide Web. Le premier essai de modification génétique humaine a lieu et est baptisé « transhumanisme ». Au Japon, les premières émissions analogiques de télévision à haute définition sont diffusées. L’avenir de l’ère spatiale, à la fois annoncé comme une menace et une promesse par la science-fiction des années 1950, est arrivé.

L’année commence avec l’investiture de George H.W. Bush comme président des États-Unis. Bush, le premier, fait preuve d’un manque flagrant d’originalité en poursuivant (entre autres) les politiques ridicules et destructrices de la guerre contre les drogues (certaines en particulier) instaurée par son prédécesseur (qui devait probablement déjà être atteint de la maladie d’Alzheimer lorsqu’il les a mises en œuvre).

L’une de ces mesures était « Operation Green Merchant » (l’opération marchand vert). Le gouvernement américain avait détecté la détermination inébranlable de Nevil Schoenmakers à fournir des graines aux États-Unis. Bien qu’il n’ait pas été le seul à envoyer des graines dans des endroits où la culture du cannabis était interdite, il était sans doute le plus médiatisé des « marchands verts ». Les amateurs de cannabis n’étaient pas les seuls à lire le High Times.

Après avoir pris d’assaut les cultures d’intérieur, la Skunk s’est réinventée en 1989 en tant que variété d’extérieur capable de pousser dans des climats frais aux étés courts et souvent humides. La Early Skunk a été la première itération hybride de Skunk de la Seed Bank of Holland, mais en aucun cas la dernière. Sensi Seeds en a sorti une version féminisée en 2009 et une version autoflorissante en 2017, ce qui a comblé une nouvelle génération de cultivateurs.

La variété de cannabis parfaite pour des conditions de culture imparfaites

Bien des gens diraient qu’elle n’a jamais été battue en tant que variété d’extérieur pour le nord-ouest de l’Europe. En gros, la Early Skunk est résistante à la moisissure, de taille massive et de floraison assez rapide pour récolter ses bourgeons avant la survenue de l’automne du nord-ouest.

Les premières mentions de la Early Skunk dans les catalogues de la Seed Bank of Holland précisent que sa floraison est plus courte de deux semaines que celle de la Skunk #1. Voilà un autre indicateur qui montre à quel point la Skunk a changé le cours de l’histoire de la sélection du cannabis néerlandais. Comme si, du jour au lendemain, la Skunk devenait la référence par rapport à laquelle tout le reste était mesuré.

La Early Skunk est une parente de variétés primées telles que la Biddy Early de Magus Genetics, ainsi que d’une pléthore de variétés dont le nom contient le mot « Early ». Des rapports anecdotiques indiquant qu’elle a poussé avec succès dans des dunes sur la côte ouest de l’Irlande attestent de sa ténacité.

L’histoire de la sélection du cannabis néerlandais est enchevêtrée avec celle du cannabis américain

Quelle différence les activités de vente par commande postale de la Seed Bank of Holland ont-elles réellement faite aux États-Unis ? Les chiffres du DEA pour 1989 montrent qu’avec le cannabis en provenance du Mexique et de la Colombie, la production nationale était la principale source de l’herbe saisie cette année-là.

Le prix de détail d’une once américaine (28 grammes) de qualité « commerciale » en 1989 se situait entre 20 et 250 dollars (aujourd’hui entre 25 et 640 dollars, ou 23 et 592 euros). La « sinsemilla » coûtait entre 100 et 600 dollars (aujourd’hui entre 256 et 1537 dollars, ou 273 à 1422 euros) pour la même quantité. Un coup d’œil sur les chiffres du même rapport donne une explication simple : les taux de THC du cannabis « commercial » sont systématiquement inférieurs de moitié à ceux de la « sinsemilla ».

Le même rapport du DEA fait état d’une augmentation massive du nombre d’installations de culture intérieure démantelées au cours de la seconde moitié des années 80. Sur l’ensemble de l’année 1984, ce nombre n’était que de 649. En 1989 — environ quatre ans après que Nevil a commencé ses envois postaux de graines — le total s’élevait à 1398.

L’administration Bush était déterminée à prendre Nevil comme exemple pour mettre un terme à la Seed Bank of Holland. Ils étaient loin de se douter que s’ils avaient attendu un peu plus longtemps, Nevil se serait « retiré » du monde du cannabis de son propre chef.

« Il voulait élever des moutons », explique Alan Dronkers en rallumant son joint. Bien qu’Alan n’ait officiellement pris part aux programmes de croisement de cannabis conçus par son père et Nevil qu’en 1990, son implication remonte à quelques années auparavant.

« Après l’école, je m’occupais des plantes de cannabis… »

 « J’allais à l’école, mais après, je m’occupais des plantes de cannabis. À cette époque, mon père avait découvert qu’il était légal de produire des graines de cannabis, de sorte que la loi nous autorisait à faire de la sélection et à créer une entreprise de vente de graines. Nous sommes devenus les pionniers de toute l’industrie. J’ai eu la chance de rencontrer plusieurs experts qui m’ont enseigné et ont partagé leurs connaissances ».

Avec Ben, Nevil a été l’un des experts qui ont mis Alan sur la voie d’une vie consacrée à l’étude du cannabis, pour éventuellement obtenir doctorat honorifique en la matière. Le cannabis est pour Alan une source inépuisable de fascination, et le croisement en est une composante. Pour Nevil, c’était d’abord et avant tout le croisement qui le fascinait. Le cannabis n’était qu’une des choses qu’il croisait.

Et il a abandonné le croisement du cannabis pour élever des moutons ? « Oui. Bien avant son arrestation, il avait déjà discuté avec mon père de lui vendre toute la section de croisement de cannabis, et ils avaient pris les dispositions nécessaires. Nevil avait investi beaucoup d’argent dans les moutons et il voulait vraiment retourner en Australie pour s’y consacrer ».

La fascination pour l’art du croisement, la vigueur-hybride comme résultat

Alan : « C’était dans la nature de Nevil de s’intéresser à l’élevage. Et pas seulement celui du cannabis, mais aussi chez les chevaux, les moutons, et même les poissons de combat. Il a un jour importé des coqs de combat de Thaïlande aux Pays-Bas. Il trouvait tout simplement intéressant ce que l’on pouvait faire avec la génétique.

Et dès que l’on commence à créer des hybrides, tout devient encore plus intéressant. Avec les chevaux, les coqs ou les poissons. Et absolument avec le cannabis. C’est une passion particulière, et Nevil était tout un phénomène ».

L’obtention de la Early Skunk dérive du croisement de la Skunk #1 et de la Early Pearl, un croisement parfois oublié, mais tout à fait extraordinaire de la Early Girl (The Seed Bank of Holland) et de la Pollyanna (Cultivator’s Choice). En 1989, la deuxième High Times Cannabis Cup a été remportée grâce à ce croisement avec l’autre grande variété sortie cette année-là : la Northern Lights #5 x Haze, la star de notre prochain chapitre.

Chapitre six : Northern Lights #5 x Haze, 1989

À ce jour, en 2025, la Northern Lights #5 x Haze demeure pour beaucoup de gens la variété ultime du « meilleur des deux mondes ». Le high de la Haze qui propulse à des sommets enivrants combiné au stone de la Northern Lights #5 digne d’une plongée en grands fonds produisent une effervescence d’humeur qui vous fait planer pendant longtemps. Si vous aimez le cannabis, vous devez l’essayer !

Nous avons couvert la Northern Lights en détail dans le chapitre deux. D’où vient la composante Haze ? Une fois de plus, Sam the Skunkman fournit la réponse :

« Vers 1988… il y avait des variétés que j’avais créées, la Skunk par exemple, et d’autres qu’on m’avait données, comme la Haze et la California Orange. Ce sont les Haze Brothers qui m’ont donné la Haze, m’autorisant aussi à la reproduire et à vendre ses graines ».

Un peu comme l’Afghani #1, la Haze pure ou « originale » est une variété dont les effets justifient amplement une culture difficile à une saveur peu spectaculaire. La période de floraison est outrageusement longue, atteignant parfois 17 semaines ; les plantes sont grandes, grêles et peu productives. Ma description préférée de leur arôme reste celle de l’ancienne directrice du Cannabis College : « Ça ressemble à un mélange de thé à la camomille et de pisse de chat. »

Cependant, une fois entre les mains de Nevil et soigneusement croisée à la Northern Lights #5, seuls les avantages de la Haze sont restés. Le high splendide est équilibré par une inspiration calme et une tendance réduite à l’anxiété. La floraison est moins longue, bien que la hauteur demeure importante, mais elle donne de meilleures récoltes de bourgeons beaucoup plus gros. Il est facile de comprendre pourquoi la Northern Lights #5 x Haze est l’une des variétés les plus appréciées au monde.

L’une des variétés de cannabis les plus aimées au monde

Lorsqu’elle est sortie en 1989, la Northern Lights #5 x Haze (alias NL #5 x Haze, ou plus simplement NL5 x Haze) était une star du catalogue de The Seed Bank of Holland cette année-là. L’imposante hauteur et l’énorme puissance de la Haze, associées aux rendements colossaux et à la relaxation inexorable de son héritage afghan, ont été combinées dans une variété que les aficionados continuent d’adorer des décennies plus tard.

Ravi : « C’est ma préférée depuis très, très longtemps. Et c’est toujours le cas. Oui, oui, oui… » Il s’interrompt, acquiesçant, souriant avec l’expression de quelqu’un se remémorant les innombrables joints de Northern Lights #5 x Haze dégustés au fil des ans. Est-ce toujours une variété à laquelle il revient ?

« Bien sûr. »

Qu’est-ce qui la rend si spéciale ?

« Il y a cette odeur et ce goût, cette saveur. Et aussi le high. C’est un tout… »

La NL #5 x Haze laisse apparemment sans mot

Mais si on doit utiliser des mots, voici une meilleure description : la NL #5 x Haze est un mélange de douceur et d’épices qui évoque des vergers de citronniers et d’abricotiers, de la terre labourée, des fleurs de camomille, de la cannelle et du cuir. Elle est vraiment délicieuse, ce qui est une bonne nouvelle, car c’est aussi une variété à rendement incroyablement élevé. Ben décrit les premiers spécimens cultivés en serres « si énormes que cinq ou six personnes se tenant par la main » étaient nécessaires pour les encercler.

La combinaison de saveurs et d’effets mentionnée par Ravi n’est pas la seule chose à aimer dans la NL #5 x Haze. Son schéma de croissance fait qu’elle reste populaire en tant que variété d’intérieur. Les plantes peuvent être mises en floraison presque immédiatement. Grâce à la parente Haze, elles prennent rapidement de la hauteur. Ensuite, c’est l’autre moitié de leur patrimoine qui prend le relai pour développer des bourgeons massifs et dodus.

Une visiteuse de la Sensi Seed Bank à la fin des années 2000 m’a raconté qu’une urgence familiale l’avait empêchée de s’occuper de ses plantes de Northern Lights #5 x Haze en floraison. Après une semaine sans supervision, elle a découvert que ses plantes avaient atteint et infiltré le support à lampes ! Certaines ont dû être arrachées et coupées. Sans se décourager, elle a décidé d’essayer le supercropping pour la première fois et a obtenu une excellente récolte.

Une des variétés de cannabis les plus demandées de l’histoire du croisement néerlandais du cannabis

Ravi n’est pas le seul membre de la famille Dronkers à avoir une profonde affection pour cette variété classique. Alan la décrit lui aussi comme une de ses préférées et comme l’un des meilleurs accomplissements de Nevil. L’année suivant sa sortie, la NL5 Haze (comme on l’abrégeait) a obtenu la première place dans la catégorie « Sativa presque pure » de The Seed Bank lors du troisième (ou quatrième – voir le chapitre un) High Times Cannabis Cup.

Lorsque Sensi Seeds a commencé à sortir des versions féminisées de certaines de ses variétés classiques au début des années 70, la Northern Lights #5 x Haze était l’une des variétés les plus demandées. Avec plus de récompenses à son actif et des descendantes telles que la Papaya et l’Apple Fritter, la version féminisée devait reproduire les qualités qui rendent l’originale — un véritable morceau de l’histoire du croisement néerlandais du cannabis — si spéciale.

En 2009 (exactement vingt ans après le lancement de l’originale), cet objectif a été atteint, pour le plus grand plaisir des cultivateurs du monde entier.

De flower power à fire-power

En 1989, N.W.A. est devenu le premier groupe de ce qui allait être connu sous le nom de gangsta rap (à l’époque, les groupes eux-mêmes parlaient de « reality rap ») à vendre un million d’exemplaires d’un album. Leur premier album de 1988, Straight Outta Compton, mentionne le cannabis de manière superficiellement négative (dans Express Yourself et Gangsta, Gangsta), mais l’herbe fait désormais clairement partie de la scène hip-hop et gangsta rap américaine, qui ne cesse de croître.

On est loin de la connotation « hippy-dippy » associée au cannabis aux États-Unis dans les années 1960 et 1970. Le flower power est devenu le fire power. Dr. Dre, membre de N.W.A., a encore renforcé ce nouveau rôle du cannabis avec son album solo The Chronic, sorti en 1992. La première variété disponible commercialement sous ce nom, lancée par Serious Seeds en 1994, est une parente de la NL #5 x Haze : toutes deux contiennent de la Northern Lights #5.

En termes de politique occidentale, l’année 1989 a été marquée par l’un des événements politiques les plus importants du XXe siècle : la naissance de Taylor Swift la chute du mur de Berlin. Aussi incroyable que cela puisse paraître aujourd’hui, le mur de Berlin était un véritable mur lourdement fortifié, haut de cinq mètres et muni de tourelles d’artillerie et de festons de fil de fer barbelé.

De 1961 à 1989, il a scindé Berlin en deux, entourant sa partie ouest pour empêcher les citoyens de l’Allemagne de l’Est (pénuries de nourriture et de vêtements, espionnage des gens ordinaires par un État corrompu, suppression des libertés d’expression) de fuir vers Berlin Ouest (pas de couvre-feu ni de pénuries, scène artistique et festive florissantes, possibilité de croiser David Bowie).

Sa chute en novembre 1989, quelques mois seulement après la sortie de la Northern Lights #5 x Haze, a ouvert la voie à une Allemagne unifiée qui allait devenir l’un des plus grands marchés pour Sensi Seeds. Trente-cinq ans plus tard, l’Allemagne a légalisé l’usage récréatif du cannabis. Il y a fort à parier que cette variété désormais classique a été l’une des premières à entrer dans les salles de culture allemandes !

Comme c’est le cas pour toutes les variétés présentées dans cet article, d’autres sélectionneurs et banques de graines se sont jetés sur la nouvelle venue avec joie dès sa sortie. Parmi beaucoup d’autres, la NL#5 Haze constitue certaines variétés locales favorites d’Amsterdam, la Dampkring Cheese Haze (croisée avec la Big Buddha Cheese originale) et la Haze Heaven de Soma Seeds.

2025 voit l’arrivée d’un nouveau membre de la famille originale : la variété hybride f1 à autofloraison Sensi Supreme Oak de Sensi Supreme. Cette collaboration est un croisement Jack Herer x Shiva Skunk et NL#5 x Haze x Skunk #1, ce qui donne des plantes courtes et grosses à haut rendement. Offrant 25 % de THC, une résistance à la moisissure et des arômes de pin et d’épices douces, les cultivateurs en sont enthousiasmés.

La Northern Lights #5 x Haze est l’une des rares variétés à avoir remporté la Cannabis Cup pour deux banques de graines différentes avec exactement la même génétique et le même programme de sélection. Après le triomphe de 1990, elle a de nouveau gagné en 1993, mais cette fois pour The Sensi Seed Bank.

L’histoire du comment et du pourquoi de cette victoire est l’un des épisodes les plus dramatiques des premières origines des banques de graines néerlandaises, et fait encore aujourd’hui l’objet de discussions (avec plus ou moins de véracité) sur les forums en ligne consacrés au cannabis. Restez à l’affût pour le prochain chapitre !

Chapitre sept : Super Skunk

 « Alors », dis-je à Ben qui se trouve à des milliers de kilomètres d’Amsterdam, en Thaïlande, la Skunk a tout changé ». Il acquiesce avec conviction, le sourire aux lèvres.

Il porte une ample chemise en chanvre de couleur crème. Assis dans une chaise de bois sculpté, il est entouré de plantes vert foncé. Sur le mur doré pâle derrière lui se trouvent des horloges réglées sur différents fuseaux horaires. Une musique douce résonne en arrière-plan. Il a un verre d’eau, un joint et le front luisant ; l’humidité luxuriante de sa deuxième maison est palpable même à travers l’écran.

Mais ses pensées sont tournées vers sa première maison et les dernières décennies du vingtième siècle. Dès l’arrivée de la génétique Skunk introduite par Sam the Skunkman, les sélectionneurs de cannabis néerlandais se sont mis en quête du parfait cultivar afghan avec lequel créer des hybrides. Les premiers catalogues de la Seed Bank of Holland témoignent de diverses itérations.

Et apparut la Super Skunk

 « Et puis est arrivée la Super Skunk. Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Est-ce une citation probablement inconnue des moins de 40 ans ? ».

Il rit. « Ja, mais comme pour la Skunk, il faut connaître les classiques. La Super Skunk descend des premières Skunk, elle est instantanément devenue une classique. Une fois que nous avons trouvé la bonne parente, il était clair qu’il s’agissait de quelque chose de très spécial. Notre génétique combinée à celle de Sam. »

« Comment vous êtes-vous rencontrés, Sam et vous ? » Mes propres aventures à Amsterdam n’ont commencé qu’en 1998. C’est le genre d’histoire orale de la contre-culture qui me fascine.

Le visage de Ben prend une expression qui m’est de plus en plus familière, non seulement chez lui, mais aussi chez Alan et Ravi, lorsque de vieux souvenirs font surface, le retour sur des expériences qui — même s’ils ne le savaient pas à l’époque — ont jeté les bases de l’histoire de la culture du cannabis néerlandais. Il se penche en arrière et commence à parler.

J’avais l’habitude d’aller sur un bateau à Amsterdam, l’Oosterdok, qui appartenait à un certain David, qui y organisait des fêtes hubble-bubble.

Les fêtes hubble-bubble

Pour les non-initiés, hubble-bubble est le jargon néerlandais qui désigne shisha, la grande pipe à eau généralement utilisée pour fumer du tabac aromatisé et alimentée au charbon ardent. Les plus grandes sont conçues pour être utilisées en groupe, avec plusieurs tubes flexibles partant de la chambre centrale et munis d’embouts. Ils ne sont pas faits pour les novices, et demandent des poumons d’acier. Surtout lorsqu’ils sont utilisés pour le cannabis.

L’Oosterdok, littéralement le quai de l’Est, est un quartier non loin de la gare centrale, imprégné de la longue histoire maritime de la ville. Le musée de la navigation (Scheepvaartmuseum) y est installé dans un ancien bâtiment de l’Amirauté datant de 1656. En 1990, l’année de la sortie de la Super Skunk, 400 bénévoles ont achevé la construction de l’Amsterdam : la réplique d’un voilier homonyme datant de 1749. Il est toujours amarré à l’Oosterdok aujourd’hui.

Au début des années 1980, cependant, l’Oosterdok abritait également une collection de péniches où se déroulaient toutes sortes d’activités sociales intéressantes.

« Parfois, j’achetais de l’herbe à David, ou il m’en achetait, parfois il avait du bon hasch. Des choses normales. Mais il y avait aussi les fêtes hubble-bubble où on fumait dans une énorme pipe à eau qui venait d’Afghanistan. Le hubble-bubble. Parce que c’est le bruit qu’elle fait quand on la fume.

Il y avait en général une douzaine de personnes. Chacun apportait son meilleur hasch ou sa meilleure herbe. Et nous remplissions la pipe. Sid, qui était un type très célèbre là-bas, avait un gros coquillage, et quand la pipe était allumée et prête, il soufflait dans le coquillage. »

Ben lève les mains comme s’il tenait une grande conque et fait un bruit de hululement en faisant semblant de souffler dans la conque. Je ne peux m’empêcher de penser à Lord of the Flies, un roman dans lequel un groupe d’enfants échoués sur une île utilisait une conque pour indiquer à qui revenait le tour de parler. Dans ce cas, la conque indiquait à qui revenait le tour de fumer.

« Chacun à notre tour, nous inspirions dans le hubble-bubble. Au bout d’une dizaine de minutes, tout le monde sur le bateau toussait tellement c’était fort. C’était amusant, il y avait beaucoup de nourriture et de sucreries ; c’était très amusant. C’était de bonnes personnes. Et nous savions, en partageant nos histoires, que nous étions aussi des cultivateurs.

C’est ainsi que j’ai rencontré Sam. »

L’autre Skunk

Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre, la Skunk #1, qui provenait directement de Sam, a changé le cours de l’histoire de la sélection néerlandaise de cannabis. Mais elle ne fut pas la seule Skunk a avoir autant d’influence. En 1990, Alan, le fils de Ben qui avait jusque-là aidé à s’occuper des plantes après l’école est devenu partie intégrante des programmes de sélection du Cannabis Castle, aux côtés de Nevil. Alan reprend l’histoire de la Super Skunk :

« À cette époque, nous achetions encore parfois des produits à Sam, mais à un certain moment, nous pouvions aussi créer de nouvelles variétés. Nevil effectuait de la sélection sur bien des organismes. À ce moment-là, il avait une énorme collection de toutes sortes de plantes différentes, qu’il a ensuite fusionnée avec notre collection.

Nous avions une Skunk, pas la Skunk #1. Nous l’avons appelée Red Skunk. Nous avons fait beaucoup de croisements avec elle, et c’est pourquoi il y a beaucoup d’autres Skunk dans le catalogue. Et elles sont toujours dans le catalogue, naturellement — Sensi Skunk et Super Skunk sont deux d’entre elles.

Nevil trouvait toutes les plantes intéressantes, mais la Red Skunk était en fait l’ingrédient magique ».

Les juges de la High Times Cannabis Cup, un événement annuel qui attirait chaque année un nombre croissant de touristes américains à Amsterdam, étaient d’accord. La Super Skunk a remporté le prix de la meilleure indica en 1990, déclenchant une nouvelle tendance, celle des costumes de super-héros de moufette. Les visiteurs de longue date de la ville se souviendront peut-être de l’affiche qui, pendant des années, pendait à l’extérieur du magasin de graines Flying Dutchmen !

Naturellement, toute variété décrochant une Cannabis Cup devenait immédiatement demandée aux États-Unis. High Times poursuivait sa campagne de promotion efficace, au bonheur de la culture du cannabis néerlandais, malgré les répercussions de l’opération Green Merchant, et ensemble, la Seed Bank of Holland et le Sensi Connoisseurs Club — aujourd’hui simplement connue sous le nom de Sensi Seed Bank — continuaient à les approvisionner dans la boutique d’Amsterdam.

Le cannabis de bonne qualité faisait cruellement défaut aux États-Unis, en particulier dans des villes comme San Francisco et New York, où le sida tuait des dizaines de milliers de personnes, pour la plupart de jeunes hommes homosexuels. La discrimination à l’encontre des personnes LGBTQIA+ sévissait ; ce n’est qu’en 1990 que l’Organisation mondiale de la santé a retiré l’« homosexualité » de sa liste de maladies.

Le cannabis était l’une des rares choses qui permettaient de soulager les terribles effets de ce qui était, à l’époque, une maladie mortelle. Dennis Peron, activiste politique et fournisseur prolifique de cannabis, en a fait l’expérience. En 1990, son partenaire Jonathan West a succombé au sida.

Peron, peut-être pour surmonter sa peine, a fondé le Cannabis Buyer’s Club et a rédigé une proposition visant à légaliser l’usage médical du cannabis à San Francisco. La proposition P (pour Pot) est l’un des premiers textes législatifs du mouvement de légalisation du cannabis médical, qui aboutira à la proposition 215 en 1996.

Super Skunk: mère de championnes

Depuis, la Super Skunk a été utilisée dans une multitude de variétés délicieusement puissantes et skunky. Certaines d’entre elles ont formé la base de ce qui s’est développé en gigantesques arbres généalogiques, comme la Sour Diesel. La dernière feuille de cette branche particulière est la Beluga Blanc de la collaboration Aficionado/Sensi Seeds Breeding Grounds, qui procure un sentiment de relaxation qui s’intensifie lentement et un high brumeux.

On peut en dire autant de la star de notre prochain chapitre : aussi étincelante, légendaire et exubérante qu’une licorne couverte de trichomes, la seule et unique Silver Haze.

Chapitre huit : Silver Haze (1990)

Pour comprendre la Silver Haze, il faut d’abord comprendre la Silver Pearl : une variété largement oubliée, et totalement inconnue de la plupart. Pourtant, à une époque, elle était omniprésente dans les menus des coffeeshops néerlandais, de Groningue à Maastricht. Remontez dans le temps avec moi, revenons sur le chapitre deux, sur la Northern Lights, une variété qui domine encore aujourd’hui l’histoire de la culture du cannabis aux Pays-Bas. Vous vous souvenez de son high planant, de sa puissance particulière, de ses couleurs chatoyantes ?

Avançons un peu dans le temps, en laissant échapper un faible « wooo » avec les bras ouverts dans une espèce de vol plané nécessaire au voyage dans le temps, jusqu’au chapitre cinq, où nous avons exploré les délices robustes de l’Early Skunk. Vous vous souvenez de son incroyable capacité de survie dans des conditions extérieures difficiles, et de la richesse qu’elle offre à ceux qui ont besoin d’elle, la Robin des Bois du monde végétal ?

Maintenant, imaginez que la Northern Lights et l’Early Skunk s’éprennent l’une de l’autre et aient un magnifique bébé, une hybride baptisée Silver Pearl.

La plus sativa de toutes les variétés Early

Alan décrit ainsi la Silver Pearl : « Cette plante était la plus sativa de toutes [les variétés Early]. Ja, pas vraiment attrayante pour ceux qui cultivent à la maison… » Alan ne se souvient pas exactement quand ni pourquoi elle a été retirée du catalogue Sensi Seeds, mais son fort potentiel de croissance sativa a sans doute joué un rôle. « Nous devrions peut-être relancer la Silver Pearl, et peut-être aussi en faire une version féminisée. À l’époque, on voyait beaucoup, vraiment beaucoup, cette variété dans les coffeeshops. »

À tel point qu’elle était souvent simplement appelée SP. Jusqu’à la fin des années 1990, de nombreux coffeeshops d’Amsterdam proposaient encore la SP et la PP, qui était la Power Plant, comme leurs deux produits phares.

Comme Sensi Seeds vend toujours des graines régulières d’Early Skunk et de Northern Lights #5, rien n’empêche les plus fervents d’entre vous d’essayer de recréer ce classique old school. Un catalogue de la Seed Bank of Holland datant de 1990 la décrit comme « une plante d’intérieur/extérieur dont les principaux atouts sont le rendement et le goût. Elle se cultive en extérieur dans tous les États-Unis avec un rendement supérieur à la moyenne ».

Dans tous les États-Unis. Il faut savoir qu’à cette époque, le cannabis était illégal dans tous les États. Même l’avocat de Ben aurait eu du mal à prétendre que les catalogues en anglais de Nevil n’encourageaient pas le crime odieux que constituait la culture de quelques plantes. Comme mentionné au chapitre cinq, l’opération Green Merchant avait pour cible principale la Seed Bank of Holland. À l’insu de Nevil, la DEA américaine lui achetait des graines depuis 1985 ; en 1989, elle a lancé un mandat d’arrêt contre lui.

Ben et Nevil

Il serait trop long ici de raconter comment, après s’être fait trahir par son associé américain, Nevil s’est fait capturer, incarcérer et s’est évadé. Mais il y a tellement de rumeurs et de récits sur les forums consacrés au cannabis que j’ai quand même interrogé Ben à ce sujet. Quelle était vraiment leur relation, si cruciale pour l’histoire de la culture du cannabis aux Pays-Bas ?

Ben prend à nouveau cet air distant. Il tapote trois fois son joint dans le cendrier, frappant doucement aux portes de la mémoire.

« Il était cool. » À la façon dont il prononce le mot « cool », j’y comprends qu’il veut dire le contraire d’« impulsif » ; calme, posé, peut-être même impassible.

 « Il faut comprendre qu’il a été héroïnomane. Quand il s’est lancé dans la culture, il s’est rendu à la gemeente, la mairie, pour obtenir une subvention afin de commencer à cultiver des graines de chanvre, ce qu’il a obtenu. Il n’y avait pas de licence [pour cultiver du cannabis], cela n’existait pas encore, mais ils lui ont donné de l’argent provenant des services sociaux pour qu’il puisse se lancer, et c’est ainsi qu’il a commencé. » Cela semble en effet être un plan sorti de la tête d’une personne raisonnable ! Et tout à fait dans l’esprit d’Amsterdam à cette époque.

« Mais on dit qu’être toxicomane pendant si longtemps réduit notre capacité d’empathie… » Ben fronce légèrement les sourcils. Son visage trahit ses anciennes inquiétudes. Ben est un homme passionné, capable d’une grande empathie et d’émotions fortes. Je peux facilement imaginer que lui et Nevil abordaient la vie différemment.

« Nous n’étions pas frères biologiques. Mais nous étions frères. »

Ben fait un geste vers le côté de sa tête, dessinant des cercles avec son joint tandis qu’il cherche ses mots. « Ma relation avec lui n’était pas… Nous n’étions pas frères biologiques. Mais nous étions frères. » Il hoche la tête. « Nous nous entendions bien. »

« Comme je l’ai déjà dit [voir chapitre cinq], à un moment donné, il a voulu vendre notre espace, alors nous avons négocié. Mais il devait partir en Australie. Nous avions déjà conclu l’accord, et il me manquait un peu d’argent. » Il rit. « Alors, je lui ai demandé si je pouvais le payer plus tard, dans un an… » Il se met à imiter Nevil, qui répond d’un « Non, non, non… » ferme et catégorique en secouant la tête, puis il rit encore.

« Il était vraiment intransigeant sur ces questions. Il en allait de même pour les graines : chaque mois, nous devions toutes les compter. Il était très strict, mais aussi très cool. Même quand il était stoned. Nous nous entendions bien ; Alan a travaillé avec lui pendant un certain temps, et ils vivaient dans la même maison [le Cannabis Castle]. »

C’est dans cette grande demeure hollandaise, entourée de vastes jardins et de terres agricoles tranquilles, que la Silver Haze a été créée. L’une de ses parentes, la Silver Pearl, était une hybride qui promettait d’excellents résultats dans toutes sortes de conditions.

L’autre parente, la Haze, était une diva capricieuse. Cependant, la décision prise précédemment de la croiser avec la Northern Lights avait donné naissance à une variété encore considérée aujourd’hui comme l’une des meilleures au monde. Si la Haze pouvait si bien fonctionner comme parente pour la Northern Lights #5 x Haze, quelles merveilles pourrait-on obtenir en la croisant avec la Silver Pearl ? Il fallait essayer. Voilà comment la Silver Haze est née.

Et maintenant, quelque chose de complètement différent

« Elle était complètement différente de toutes les autres plantes de cannabis que j’avais vues auparavant. » Discuter avec Ravi révèle une perspective propre à une génération plus jeune que celle de Ben. Lorsque j’essaie de lui rafraîchir la mémoire en évoquant 1989, la sortie de l’Early Skunk, la chute du mur de Berlin et le lancement du Nintendo Gameboy, il s’écrit « Tetris ! », puis se met à rire.

Quand je lui parle de la Silver Haze, c’est une autre histoire. « Elle avait d’énormes calices, elle était vraiment blanche, recouverte de trichomes. C’était nouveau. La représentation du cannabis était en train de changer, avait changé, passant d’une matière sèche, attachée à un bâton ou pressée en brique, à quelque chose de moelleux, sous forme de « fleur ». La forme et l’aspect du cannabis ont évolué au fil des ans.

La Silver Haze et la NL#5 x Haze étaient toutes deux complètement différentes de l’herbe habituelle qui circulait à l’époque.

Alan : « La Silver Haze est très cool et très intéressante en soi. Mais encore une fois, elle est trop sativa pour beaucoup de gens. Et trop sativa pour beaucoup d’entreprises commerciales. »

Cependant, c’est précisément cette caractéristique qui en fait le choix des experts en sélection. Le légendaire sélectionneur de variétés Blue, DJ Short, a choisi la Silver Haze pour la croiser avec sa Blueberry originale révolutionnaire, créant ainsi l’Azure Haze. Plus près de chez nous et de notre époque, la Silver Haze apparaît dans la Banana Kush de White Label Seeds, la société sœur de Sensi Seeds. Et en 2008, Sensi Seeds en a enfin commercialisé une version féminisée.

En 1990, la troisième (ou quatrième) Cannabis Cup s’est déroulée à Amsterdam. Il s’agissait de la première édition à proposer différentes catégories, et The Seed Bank est entrée dans l’histoire de la culture du cannabis néerlandaise en remportant la première place dans chacune d’entre elles.

Deux des juges étaient les artistes Gilbert Shelton et Paul Mavrides, créateurs de la bande dessinée Fabulous Furry Freak Brothers. Plus de 20 ans plus tard, leurs œuvres ont été présentées dans une exposition de bandes dessinées sur le cannabis au Hash Marihuana & Hemp Museum de Barcelone. Je demande à Ben s’il a d’autres souvenirs de 1990 ? « Je travaillais beaucoup ! »

En effet, il s’occupait de son entreprise et de sa famille qui comptait à présent cinq enfants ! Les deux plus jeunes, ses jumelles Shiva et Shanti, ont inspiré les noms et la double sortie des stars de notre prochain chapitre. Restez à l’écoute !

Comments

2 réflexions sur “Sensi Seeds a 40 ans : racines de l’histoire néerlandaise du cannabis”

  1. Jean Graine

    Merci pour cette publication sur l’histoire de notre banque de graines préférée. Vivement la suite.
    Bonne anniversaire Sensi Seeds.

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Auteur

  • Author_profiles-Red

    Scarlet Palmer

    Scarlet Palmer est une personne non-binaire rédactrice, éditrice et consultante spécialisée en contre-culture du cannabis. Basée à Amsterdam, aux Pays-Bas, Scarlet cumule trois décennies d’expérience et se consacre aujourd’hui à disséminer des faits et raconter des histoires sur cette plante merveilleuse, complexe et vilipendée.
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